Luc et Christelle, accueillants sans jugement
Luc et Christelle Tirard-Gatel reçoivent sur leur ferme, pendant un mois à un mois et demi, des adolescents placés par la protection judiciaire de la jeunesse.
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En reposant le combiné, Luc Tirard-Gatel n’en sait pas plus sur l’adolescent qui va poser ses valises chez lui et sa femme Christelle pour un mois. Au téléphone, l’agent de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) de l’Isère a confirmé à l’agriculteur l’arrivée d’un jeune dans deux jours. « On ignore tout de lui, si ce n’est qu’il a été retiré en urgence de sa famille pour maltraitance », témoigne Luc, qui ne connaît pour l’instant ni son nom ni son visage – seulement sa ligne de bus pour le collège.
Depuis un an, Luc et Christelle reçoivent des jeunes en difficulté, pour des séjours d’un mois à un mois et demi. Logés chez eux, dans leur ferme nucicole à Charnècles (Isère), ils partagent leur quotidien, week-end compris. « Du jour au lendemain, des mineurs débarquent à la PJJ qui doit les placer d’urgence le temps que la justice fasse son travail, explique Luc. Nous les accueillons dans l’attente d’une solution pérenne. L’objectif est qu’ils poursuivent leur vie et leur scolarité avec le moins de cahots possible. »
Poser un cadre
De leur parcours, le couple entrevoit des bribes — parents en prison, drogue, prostitution… « Nous ne posons pas de question mais les écoutons s’ils veulent parler, témoigne Christelle qui recueille parfois des confidences. Tous ne s’intéressent pas à la ferme ; mais ceux qui aiment la mécanique, le bricolage, les vergers ou les animaux sont heureux de participer. Nous essayons de nous adapter à leurs envies. Par contre il y a des règles, qu’ils n’ont pas forcément chez eux ! » Les ados sont priés de nettoyer leur douche, de descendre manger à heure fixe, de débarrasser la table… Et quand l’un dérape, Christelle « le prend entre quatre yeux ».
Pour ce couple sans enfant, l’accueil est une seconde nature. Membre du réseau Astra (1) depuis plusieurs années, Luc a longtemps reçu des jeunes adultes atteints de handicap mental. Quand ce partenariat s’est éteint, Luc et Christelle se sont rapprochés de la PJJ. Après vérification des casiers judiciaires, visite de la ferme, entretiens, elle a donné son feu vert.
Pendant le séjour du mineur protégé, l’assistante sociale vient faire un point hebdomadaire. Et en cas de souci, un numéro de téléphone peut être appelé 24 h/24. Une indemnisation de 40 €/jour est prévue, mais les dépenses matérielles ne sont rien à côté de l’investissement personnel à fournir. « Le contact n’est pas toujours facile. En leur accordant du temps, des liens se créent. Mais nous ne nous substituons pas à leurs parents, et nous acceptons de ne pas avoir de nouvelles par la suite. » Il peut toutefois y avoir de bonnes surprises : un jeune passé par chez eux leur a envoyé deux cartes postales.
(1) Agriculture sociale et thérapeutique dans le Rhône-Alpes.
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