Le jour où « j’ai évacué les collégiens en bétaillère lors des inondations »
En mai 2024, Nicolas, 25 ans, polyculteur-éleveur, en Moselle, a évacué des collégiens des environs qui étaient coincés à cause des inondations.
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« Vendredi 17 mai 2024, 16 heures. Cela fait quasi 18 heures que la pluie tombe sans discontinuer, raconte Nicola. Les sols sont déjà gorgés d’eau car il a beaucoup plu pendant l’hiver et le printemps. Dans ma commune de Metzervisse, en Moselle, l’eau a envahi les points les plus bas, empêchant quasi les véhicules de passer. Un copain m’appelle alors que je suis en train de monter des barrages sur notre corps de ferme. Il m’explique que les bus scolaires ne peuvent accéder au collège voisin situé à Kédange-sur-Canner. La rivière est sortie de son lit, le centre de la commune est inondé. Ce copain me demande d’aller chercher son fils en tracteur. Ce que je fais. Je le ramène sur un point haut de cette commune où je trouve des parents affolés et des mamans en pleurs. Ils ne savent pas comment faire pour récupérer leurs enfants. Je rentre directement sur l’exploitation et là, j’accroche la bétaillère pour repartir au collège. J’embarque l’apprenti avec moi en lui disant : Là, on a du boulot ! Arrivé sur place, je fais monter les gamins par vingtaine, ravis de la balade et de ce nouveau mode de transport, et les ramène à leurs parents à 1 km de là. J’effectue plusieurs allers-retours, jusqu’à devoir m’arrêter, vers 20 heures, le niveau d’eau étant tellement haut que je risque d’être emporté moi aussi, tracteur et bétaillère. Pour finir, l’eau montera jusqu’à 1,60 m dans la commune dans la soirée, dans les habitations, le restaurant, situés près de la Canner. Un collègue agriculteur est venu me prêter main-forte et il évacuera en dernier le principal du collège et deux gendarmes. Les parents soulagés sont très reconnaissants et veulent faire une cagnotte pour me remercier et me défrayer des frais de carburant. Mais pour moi, tout ça est naturel : j’ai l’équipement qu’il faut dans ces circonstances, je l’utilise. Alors que les pompiers disent n’avoir pu évacuer les collégiens pour des questions de réglementation et d’assurance. Pour moi, cela fait partie aussi des valeurs familiales que l’on m’a inculquées, de mon éducation. J’ai appris qu’il fallait aider, sans en attendre forcément en retour. J’ai aussi été beaucoup sollicité par la suite par les médias locaux. Et l’information a été reprise au niveau national. Mais je sais aussi que les gens oublient vite, un fait divers chasse l’autre. Pourtant, notre pays a besoin de ses agriculteurs, tous les jours, et pas seulement pour les nourrir. »
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