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Le jour où… « Je me suis relevée à la suite du décès de mon compagnon »

Fabienne Daniel, 51 ans, éleveuse à Sainte-Anne-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine).

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«J’ai perdu mon compagnon Emmanuel le 17 août 2017 à la suite d’un arrêt cardiaque. Cinq jours plus tôt, il s’était senti oppressé au niveau de la poitrine et a passé des examens. L’électrocardiogramme était pourtant normal ainsi que la tension et la prise de sang. Il avait 47 ans, j’en avais 46.

Sur le plan professionnel, nous étions associés en Gaec sur une exploitation produisant près de 700 000 litres de lait. Comme nous n’étions pas mariés, je me suis retrouvée comme une étrangère vis-à-vis de lui. J’ai dû racheter la moitié des parts de la société, soit 157 000 €, à notre fille, Manuella, qui avait 8 ans à l’époque. Seule héritière, elle est pro­prié­taire de la maison d’habitation. Et désormais, pour les moindres travaux, je dois rendre des comptes au juge des tutelles. Heureusement, nous avions une assurance contre le risque fiscal pour payer les impôts et la MSA liés au revenu exceptionnel généré par le remboursement de l’emprunt. Mon compagnon n’aura jamais payé autant d’impôts qu’à sa mort.

Avant son décès, notre ferme comptait 187 ha dont 42 en propriété. Ni mariée, ni pacsée, je n’avais aucun droit sur les baux qui étaient tous au nom d’Emmanuel. Je suis allée voir tous les propriétaires. L’un d’entre eux a profité de la situation pour mettre fin au bail. Face à la paperasse, il faut avoir un moral d’acier. Mon travail de deuil, je n’ai véritablement pu l’entamer que deux ans plus tard.

Les aléas de la vie, il faut y penser à tout âge. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Si je suis encore agricultrice aujourd’hui c’est parce que j’avais pris des précautions. J’avais également souscrit une assurance « rente éducation » pour ma fille car malheureusement ce n’est pas mon premier deuil. Fille d’agriculteur, j’ai perdu ma maman d’un accident de la route quand j’avais 15 ans. Elle-même était devenue orpheline de père à l’âge de 14 ans. Alors, elle avait souscrit ce type d’assurance au cas où il lui arriverait quelque chose. Elle avait toujours regretté de ne pas avoir pu faire d’études.

Malgré les difficultés, je suis très fière d’avoir pu rester chef d’exploitation. J’ai un salarié et un apprenti qui m’aident. Certains auraient préféré me voir tout lâcher pour récupérer des terres. Je suis passionnée par mon travail et par mes animaux. La vie, elle continue. Mes moteurs sont ma fille et mon métier. »

Propos recueillis par isabelle Lejas

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