Le jour où... « Un randonneur a exigé l’euthanasie de mes patous »
«En août 2015, j’étais dans ma bergerie quand le téléphone a sonné, se souvient Fabienne Fleury, éleveuse de brebis dans la Drôme. Au bout du fil, les gendarmes m’annonçaient qu’un randonneur avait porté plainte à la suite des morsures de chiens, survenues sur l’alpage où deux de mes collègues et moi-même faisons pâturer nos 600 brebis. Il déclarait avoir été mordu par trois des six patous.
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En tant que présidente du groupement pastoral, j’ai dû me rendre au poste, un peu abasourdie par cette nouvelle. Devant les représentants des forces de l’ordre, je me suis sentie bafouée à justifier mon métier, à rappeler que c’est l’État qui nous préconise d’avoir des chiens de protection pour se prémunir des attaques de loup. J’ai éprouvé un sentiment de colère aussi.
C’est l’État qui nous préconise d’avoir des chiens de protection
Encore une fois, il a fallu expliquer que, certes, la montagne est ouverte aux randonneurs, mais qu’il s’agit d’espaces privés que nous, paysans, louons pour y exercer notre activité. Plus que quiconque, nous avons toute légitimité à y être présents. Et je n’étais pas au bout de mes surprises ! Le jour de l’audience au tribunal, en janvier dernier, j’ai été complètement déconcertée. Entre toutes les affaires de stationnement, de portables au volant…, ma convocation pour morsure de patou semblait surréaliste.
Relaxée
Mais le pire, c’est quand mon avocat m’a appris que le plaignant avait visiblement changé d’avis. Lors de son audition par les gendarmes, il avait déclaré ne plus vouloir se porter partie civile. Il avait écrit au tribunal, demandant 800 euros de dommages et intérêts, c’est son droit. Il avait également demandé l’euthanasie des trois chiens incriminés et, à défaut de pouvoir les identifier, des six présents, dont trois m’appartenant. Ce fut le choc. Pour une petite morsure n’ayant pas entraîné de jour d’ITT (1), il fallait que les chiens meurent, alors qu’ils étaient simplement en train de travailler le jour de l’incident.
Difficile à encaisser. Heureusement, le juge de proximité a estimé qu’il était impossible de déterminer quel chien avait mordu le randonneur et donc quel propriétaire il fallait poursuivre. J’ai été relaxée. Quel soulagement, pour moi, comme pour la quinzaine d’éleveurs qui m’accompagnaient ce jour-là pour m’apporter leur soutien. »
Propos recueillis par Camille Penet
(1) Incapacité totale de travail
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