Portrait Un fromager venu du Soleil levant
Originaire de Tokyo, Miti Yamaguchi a poursuivi son rêve jusqu’en Haute-Savoie, où il fabrique du fromage abondance fermier.
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Difficile d’imaginer un milieu moins agricole que celui où a grandi Miti Yamaguchi. Et pourtant… « Je viens de Tokyo, mais j’ai toujours rêvé de travailler avec des vaches », confie celui qui, à force de persévérance, a réalisé son rêve dans les montagnes de Haute-Savoie. Depuis quatre ans, Miti transforme en abondance le lait des soixante-cinq vaches du Gaec des Noisetiers, à Leschaux. Au point d’être devenu un ambassadeur de cette appellation fromagère d’origine protégée.
Plus libre d’expérimenter
« J’ai d’abord essayé de travailler dans des fermes au Japon, mais l’élevage là-bas est très intensif, raconte-t-il. Cela ne correspondait pas à mon image de l’agriculture. J’ai décidé donc de changer de pays. » S’il choisit la France, c’est que cet amateur de cyclisme en a vu de belles images à la télé. « J’ai visité la Savoie grâce au Tour de France, explique-t-il. Et j’ai constaté qu’il y avait des vaches. »
Débarquant dans l’Hexagone en 2002 avec dix mots de vocabulaire, Miti apprend le français, puis la fabrication fromagère. Entre les deux, il reprend un emploi d’un an au Japon pour financer sa formation en Savoie. Il s’initie à l’élaboration de tome, raclette, abondance, reblochon…, sans oublier le beaufort, dans lequel il se spécialise au début. « Après sept ans et demi à affiner du beaufort dans une fruitière de Savoie, j’ai eu envie de changer, poursuit-il. L’abondance est aussi un fromage excellent et intéressant, car il reste encore des choses à explorer dans sa fabrication. »
En effet, si ces deux spécialités sont protégées par une AOP, leur cahier des charges laisse quelques marges de manœuvre. « Sur la température, le choix et la dose de ferments utilisés, la durée de chaque étape, le fromager fait ses propres réglages pour obtenir un produit stable et le meilleur possible, détaille Miti. Comme l’abondance est moins connu que le beaufort, je me sens plus libre d’expérimenter. »
Il apprécie aussi les soins aux bêtes, c’est lui qui s’occupe des veaux avant l’arrivée des patrons. « On a la même passion du fromage et des animaux, la même envie de produire de la qualité », résume Émilie, qui ne cache pas son admiration pour son salarié « venu de l’autre bout du monde pour concrétiser son rêve ». Elle l’encourage dans ses initiatives, comme lorsqu’il a voulu se lancer dans la raclette.
« Cela diversifie mon travail sans demander d’investir dans du nouveau matériel, à part les cercles à fromage, explique Miti. La raclette apporte aussi de la souplesse, car elle permet de conserver le lait trente-six heures, contre quatorze pour l’abondance. Et c’est merveilleux d’observer qu’avec le lait des mêmes vaches, on obtient deux fromages complètement différents. »
Si Miti n’a pas pu rentrer au pays depuis deux ans et demi, Covid oblige, ses trésors culinaires ont voyagé. « À part l’été, où il fait trop chaud, j’envoie des colis à ma famille », sourit-il. Bérengère Lafeuille
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