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Pourquoi les cartes d’usage des phytos se multiplient ?

De nombreuses cartes proposent de visualiser des indicateurs qui approchent l'usage des produits phytosanitaires à une échelle géographique plus ou moins fine.

L’approche géographique des produits phytosanitaires est un enjeu majeur pour le monde de la recherche. Cela mobilise également le monde associatif, qui propose des cartes au grand public. Plusieurs indicateurs sont utilisés pour approcher l’usage réel des produits.

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Associations, chercheurs, organismes publics… De nombreux acteurs proposent des cartographies liées aux produits phytos, mises à disposition du grand public. Elles sont parfois utilisées comme accroche visuelle pour mobiliser contre les produits phytos. Cela a par exemple été le cas sur les réseaux sociaux lors de la mobilisation contre la loi Duplomb.

Par qui sont-elles réalisées et pourquoi ? D’où proviennent les données et que représentent-elles ? Le point sur ce sujet.

Un enjeu pour la recherche et le monde associatif

Pourquoi cartographier l’usage des produits phytosanitaires ? Dans le monde de la recherche en santé publique, c’est un enjeu important : les chercheurs ont besoin de données très précises (dans le temps et dans l’espace) pour identifier d’éventuels liens entre exposition aux phytos et maladie.

De nombreuses études ont une approche géographique des phytos, à l’échelle nationale (Esteban, PestNeuro, PestiRiv, GeocapAgri…) ou régionale (PestiPrev, CartoExpo, RePP’Air…).

C’est en effet un sujet qui mobilise la recherche depuis plusieurs années, et qui se poursuit activement à l’heure actuelle. En témoigne par exemple la publication, en mai 2025 dans la revue scientifique Nature Scientific Reports, d’un article qui propose un indicateur d’exposition environnementale aux pesticides. Les auteurs estiment qu’en moyenne, « 13 % des Français pourraient être exposés à divers niveaux de pesticides en raison de leur proximité avec des cultures traitées ».

Plusieurs acteurs associatifs se sont aussi emparés de cette question. C’est en particulier le cas de Générations futures, qui propose depuis décembre 2024 « Geophyto » : un outil de visualisation des quantités de phytos achetées. À l’origine sur l’échelle départementale, elle s’est précisée jusqu’à l’échelle du code postal en janvier 2025.

Données de ventes des phytos

Les cartes proposées sont souvent basées sur les données de la BNVd, la « Banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires ». Cette base de données recense les ventes des phytos sur la base des déclarations obligatoires des distributeurs agréés depuis la loi sur l’eau de 2006. Les données sont en accès libre depuis juillet 2019 : c’est ce qui a permis aux associations de développer ces outils.

L’Office français de la biodiversité (OFB), qui opère cette base de données, propose lui aussi des infographies, dont des cartes à l’échelle des nouvelles régions. L’OFB indique d’ailleurs que ces données « sont notamment exploitées par les ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement pour déterminer des indicateurs essentiels aux suivis des usages de phytosanitaires dans le cadre du plan Ecophyto. » Le ministère de la Transition écologique propose aussi un système de cartographie à l’échelle départementale, sur Dataviz, depuis 2020.

Ces cartes reposent donc sur les données d’achats des ventes, sur la base du code postal renseigné par l’acheteur : une approximation des usages réels. Ce postulat est d’ailleurs l’une des principales critiques faites à ces cartes. Mais « tant que les registres d’épandages ne seront pas rendus publics, [les] données relatives aux achats de pesticides sont les meilleures indications disponibles à ce jour pour estimer les lieux d’utilisation effective de ces substances », estime l’association Générations futures.

IFT et Nodu

L’association Solagro diffuse pour sa part ses cartes « Adonis » depuis juin 2022 : des cartes représentant les indices de fréquence de traitement (IFT) à l’échelle des communes. Ces données résultent d’une estimation « sur la base de l’assolement de la commune, du type de pratique (conventionnelle ou bio) et des IFT régionaux de référence issus de données statistiques ou locales », indique l’association.

Elle y voit un outil « à destination de toutes et tous (collectivités territoriales, état, secteur agricole, recherche, associations…) pour piloter des actions de réductions efficaces et ouvrir de nouveaux champs de recherche sur l’impact des pesticides sur la santé humaine et les écosystèmes. »

La plateforme Territoire fertile, elle, a choisi de construire une carte pour visualiser le Nodu (Nombre de doses unités), ancien indicateur de référence pour le suivi d’Ecophyto, à l’échelle d’une commune. « En raison de limites sur la source des données, il est possible que les résultats diffèrent des usages réels », écrit-elle.

Parfois, des options de tri sont proposées pour visualiser les données par catégories de substances (herbicides, insecticides, fongicides), niveaux de dangerosité (CMR 1 ou 2, perturbateurs endocriniens par exemple) ou d’autres paramètres.

De futures nouvelles sources de données

À l’avenir, deux nouvelles sources de données pourraient être mobilisées.

Les données numérisées des cahiers de traitement des exploitations sont en particulier très attendues par le monde de la recherche. Dans la synthèse d’un séminaire tenu en 2022 sur la thématique (1), la perspective de l’accès à ces données est d’ailleurs présentée comme « l’enjeu commun et prioritaire de toutes les équipes scientifiques travaillant sur les liens entre pesticides et santé du vivant. » La dématérialisation du registre phytosanitaire deviendra obligatoire pour toutes les exploitations agricoles à compter de janvier 2026.

Il est également à noter que l’Inrae est en train de développer la BNVd-spatialisée, pour estimer la quantité de substance active à l’échelle de la parcelle agricole. Elle mobilise notamment les données de ventes de phytos et d’occupation des sols.

(1) « Estimer les expositions aux pesticides : données et approches géographiques », séminaire du 28 juin 2022.

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