Comment Bayer utilise l’IA pour créer de nouveaux phytos
Le groupe Bayer mobilise l’intelligence artificielle (IA) pour créer des produits phytosanitaires avec de nouveaux modes d’action, accélérer les tests, ou encore simplifier des tâches chronophages.
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« Aujourd’hui, les agriculteurs ont une boîte à outil d’environ 340 molécules. En moyenne, ces molécules ont 38 ans », chiffrait Mélanie Héroult, directrice de la weed control research chez Bayer Global, lors d'un colloque organisé le 26 février 2025. Un chiffre qui illustre la difficulté d’innover dans le domaine. « C’est très dur de trouver de nouveaux modes d’action » avec les technologies historiques, explique-t-elle.
Dans ce contexte, Bayer mise depuis cinq ans sur une nouvelle approche qui mobilise l’intelligence artificielle (IA) générative. Elle est nommée « Cropkey », que l’on pourrait traduire par « clé des champs » ; une « technologie de rupture », appuie Bayer.
Conception « sur mesure » de nouveaux modes d’actions
Pour créer de nouveaux produits phytosanitaires, l’entreprise avait jusqu’alors une approche de « criblage des molécules ». Autrement dit, l’entreprise testait des milliers de molécules une par une pour trouver la bonne. « Aujourd’hui, on se dirige vers la conception des molécules », indique Mélanie Héroult.
Le principe est simple, et débute avec l'identification d'une protéine spécifique à un pathogène cible. Elle est comparée à une « serrure ». L’IA peut sur cette base concevoir virtuellement (en 3D) une molécule « clé » qui lui est adaptée. En s'associant avec la protéine visée, cette molécule pourra ainsi inhiber le pathogène.
Optimiser la production
Cette approche permettra, selon Bayer, de créer de substances actives avec de nouveaux modes d'action. L'objectif est de développer de nouvelles solutions pour « rompre la résistance », et « répondre aux nouveaux critères de sécurité et de durabilité », indique Mélanie Héroult. L'entreprise considère que les niveaux de sécurité des molécules « Cropkey » sont améliorés par rapport à l'approche classique, car seul l’organisme cible est visé.
Actuellement, une trentaine de molécules issues de l’approche « Cropkey » sont en cours d’évaluation. L’une d’entre elles, un herbicide foliaire, devrait sortir sur le marché à la fin de 2028, au Brésil dans un premier temps.
Les outils fonctionnant grâce à l’IA permettent aussi à Bayer d’optimiser les coûts. « La première molécule “Cropkey” a utilisé des données qui ont permis d’optimiser les procédés chimiques pendant la production », indique Mélanie Héroult.
Améliorer le transfert aux champs
En parallèle, Bayer mobilise l’IA pour mieux contrôler le transfert des molécules entre les conditions contrôlées (sous serre) et les champs, et « comprendre les conditions idéales pour une activité maximale », indique Hervé Tossens, responsable de la Life Cycle Managment and Innovation chez Bayer Global.
Selon lui, cette optimisation pourrait permettre de gagner trois ans dans le processus de création d’une nouvelle molécule. Le processus d’homologation, lui, ne changera pas (environ sept ans).
Un « chatbot Convisio »
Bayer intègre également l’IA pour ses supports techniques. Maxime Savry, chef de marché et responsable technique pour la betterave et la pomme de terre, indique avoir exploré la piste d’un « chatbot » (agent conversationnel) pour accompagner le développement de leur approche Convisio (désherbage sur betterave), qui demande un accompagnement technique particulier. L’idée est que l’outil puisse répondre à des questions techniques d'un opérateur (stade d’application, dose…). « Pour l’instant, nous sommes sur un développement interne », indique-t-il, pour vérifier son fonctionnement avant un potentiel déploiement sur le terrain.
Enfin, Bayer mobilise « MyGenAssist », un outil IA interne, pour simplifier la synthèse des centaines de comptes-rendus d’évaluation des variétés de maïs des techniciens. « Cela nous fait gagner un temps assez impressionnant », explique Alice Nolli, chef de marché pour les herbicides sur céréales. Elle note malgré tout que « l’expertise technique sera toujours nécessaire pour relire les données. »
Des essais similaires pour synthétiser des essais herbicides ont été réalisés, mais les résultats ne sont pas encore concluants. « On est au début d’une nouvelle aire, estime Alice Nolli. L’IA est une révolution, comme l’a été internet ou l’arrivée des ordinateurs. »
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