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Des travaux autour d’une taxe aux frontières pour les phytos

Les politiques environnementales qui ne prennent pas en compte les écarts de compétitivité qu'elles génèrent peuvent entrainer une hausse globale de l'empreinte des produits phytosanitaires, pointe l’Observatoire européen de la fiscalité.

Protéger la compétitivité des productions agricoles européennes afin d’éviter que les denrées ne finissent par être produites par les pays tiers. Telle est l’idée de l’Observatoire européen de la fiscalité, qui a travaillé sur deux mécanismes d’ajustement aux frontières. L’ambition globale est de réduire l’usage des produits phytosanitaires à l’échelle mondiale.

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Pour limiter l’empreinte globale phytosanitaire de l’alimentation européenne, l’Observatoire européen de la fiscalité a étudié la possibilité de mettre en place un système d’ajustement aux frontières à l’échelle européenne. « L’idée est de recréer les conditions pour une concurrence équitable », explique Mathieu Parenti, membre de l’Observatoire, le 1er mars 2025 (1).

Et d'« éviter les effets de fuite » : autrement dit, éviter que la production des denrées agricoles ne migre en dehors de l’Union européenne, où les normes sont moins strictes. « Parfois, le fait d’avoir des pays ambitieux au niveau de leurs politiques environnementales sans prendre en compte les effets de fuite peut être complètement contre-productif », considère-t-il.

10 % de différentiel pour le blé et le maïs, 20 % pour le soja

Deux mécanismes différents ont été étudiés.

Le premier consiste à appliquer une taxe sur les denrées importées par l’Union européenne pour compenser le différentiel de compétitivité induit par une politique environnementale européenne plus « ambitieuse ». Elle aurait pour but direct « d’éviter les effets de fuite ». « Dans nos estimations, ce tarif serait d’environ 10 % pour le blé et le maïs, et de 20 % pour le soja », chiffre Mathieu Parenti.

Le second mécanisme vise à « mettre un prix sur le contenu en pesticides des produits importés ». Il est directement inspiré de ce qui existe pour les émissions de gaz à effet de serre (« taxe carbone »). Cela impliquerait « des taxes qui sont de fait discriminatoires entre les pays, et même entre les producteurs d’un pays donné : cela peut poser des questions au niveau de l’OMC », souligne Mathieu Parenti.

En soja par exemple, si l’on réduit de moitié l’utilisation de produits phytosanitaires en Europe sans mesure d’ajustement aux frontières, l’empreinte globale des phytos augmente de quelques pourcents à l’échelle mondiale selon les simulations de l’Observatoire. Les deux mécanismes étudiés induisent une baisse de cette empreinte ; faible dans le premier cas, importante dans le deuxième (de l’ordre de –30 %).

Empreinte phytosanitaire plus élevée en dehors de l’Union européenne

Si ces mécanismes étaient mis en place, « il y aurait mécaniquement une augmentation des prix » des denrées alimentaires, reconnaît Mathieu Parenti, sans partager d’ordre de grandeur.

Actuellement, « environ 50 % de la consommation induite de pesticides européenne provient des importations », estime Mathieu Parenti. La « consommation induite » agrège l’utilisation des produits phytosanitaires par les agriculteurs européens (usage direct), et celle des agriculteurs des pays tiers dont l’Union européenne importe les produits (usages indirects). Selon l’Observatoire, les importations sont « 3,8 fois plus intensives en pesticides » que les productions européennes.

Abaisser les limites maximales des résidus (LMR) des substances actives à zéro sur les produits importés ne semble pas pertinent à l’Observatoire pour deux raisons. D’une part, parce que cela suppose que l’utilisation d’un produit phytosanitaire abouti à la présence d’un résidu sur la plante ; et d’autre part, car ces seuils ne concernent que l’alimentation humaine et laissent de côté l’alimentation animale et les autres usages et produits (transformation énergétique, fleurs…). Leur objectif est de limiter l’usage des phytosanitaires lors de la production.

(1) L’étude de l’Observatoire européen de la fiscalité a été présentée à l’occasion d’un webinaire organisé par le Basic (Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif), en collaboration avec l’Institut Veblen (groupe de réflexion sur les réformes économiques).

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