Phytos Deux châteaux bordelais en procès
Deux châteaux viticoles doivent s’expliquer ce 20 mars 2019 devant le tribunal correctionnel de Libourne (Gironde) pour avoir procédé en 2014 à l’épandage de fongicides près d’une école où des élèves et une enseignante avaient été pris de malaises, un procès inédit dans le vignoble bordelais.
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En mai 2014, plus d’une dizaine d’élèves et une enseignante de l’école primaire de Villeneuve-de-Blaye s’étaient plaints entre autres symptômes de picotements aux yeux, de maux de gorge, immédiatement après l’épandage de fongicides sur les vignes voisines. L’enseignante avait dû être hospitalisée une journée et les enfants confinés dans l’école.
Un conventionnel et un bio
Deux domaines avaient traité ce jour-là leurs parcelles de vigne avec des produits autorisés. L’un, en agriculture conventionnelle, avait utilisé deux fongicides. L’autre, en bio, avait épandu de la bouillie bordelaise.
« En conventionnel comme en bio, quand on lit les fiches de produit des phytosanitaires utilisés sur les parcelles traitées près de l’école, c’est très inquiétant », explique Maître François Ruffié, avocat de la Sepanso, partie civile aux côtés d’une autre association écologiste Générations futures.
Ce procès est « une première dans le vignoble bordelais », et l’aboutissement de moult péripéties judiciaires, selon l’avocat. De non-lieu en plainte contre X, la procédure qui a débuté en 2014 a conduit au renvoi le 3 juillet 2018 des deux domaines viticoles d’appellation Côtes-de-Bourg pour « utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques ».
Après avoir initialement classé l’affaire sans suite, la justice avait fini par ouvrir une information judiciaire à Libourne, juridiction compétente, après une plainte contre X de la Sepanso et, fait inédit, avait mis en examen en octobre 2016 les deux châteaux, poursuivis en tant que personnes morales.
Bataille d’avocats
« Un parcours judiciaire long et laborieux qui montre bien qu’en Gironde, il est très difficile de faire prospérer un dossier où sont mis en cause des viticulteurs pour épandages inappropriés », affirme Maître Ruffié. Il évoque même une « forme d’omerta » dans un secteur pourvoyeur de nombreux emplois, en s’étonnant que les parents « ne se soient pas manifestés ».
« Il n’y pas d’omerta », objecte Maître Sophie Clavel, conseil d’un des deux châteaux bordelais. « Le médecin scolaire n’a même pas jugé nécessaire d’hospitaliser les enfants dont les plus malades ont été soignés au Doliprane, sur place. »
Maître Clavel assure par ailleurs que « les épandages ont été faits dans les règles de l’art, conformément à la réglementation en vigueur ». « Qu’il faille accompagner la transition écologique vers d’autres produits, on est tous d’accord, ajoute-t-elle, mais de là à dire que mes clients n’ont pas respecté la règle du jeu, c’est faux. »
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