Aricle Retarder leur apparition
Face à l’érosion des pesticides autorisés et aux cas de résistances déclarés,il est nécessaire d’améliorer la durabilité des phytos encore disponibles. L’agronomie est le premier levier.
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En réponse aux pressions de sélection exercées par les produits phytosanitaires, les bio-agresseurs des végétaux en s’adaptant par évolution deviennent résistants. D’autant plus que la mise au point de nouvelles substances actives est devenue rare et que les méthodes dites alternatives ne permettent pas encore de s’affranchir de la lutte chimique. Il est donc indispensable de préserver les traitements efficaces dans la durée et de retarder l’apparition de nouvelles résistances, notamment en privilégiant la lutte non chimique avant d’avoir recours aux phytos. C’est d’ailleurs ce que le ministre de l’Agriculture a mis en avant lors du premier comité de suivi du plan de réduction des produits phyto et de sortie du glyphosate le 23 mai 2019 (Ecophyto 2 +). Il a réaffirmé son objectif de réduction de moitié à l’horizon de 2025 et a mis en avant l’importance de la prévention et de la surveillance, citant l’allongement des rotations, la diversification, le recours aux variétés résistantes, etc.
Contrôler les adventices
L’agronomie est donc le premier levier à actionner pour gérer les bioagresseurs d’une parcelle (voir le tableau ci-contre) et notamment en cas d’adventices résistantes aux herbicides. La note commune inter-instituts 2019 préconise en premier lieu l’allongement de la rotation, avec par exemple l’introduction d’une orge de printemps, d’un protéagineux ou d’un tournesol dans une rotation colza-blé-orge pour perturber le cycle des adventices hivernales (graminées, coquelicot…), ou d’une céréale d’hiver dans une rotation maïs-soja pour limiter la prolifération des estivales (graminées, ambroisie). Retarder la date de semis est efficace pour réduire les infestations de vulpin, de ray-grass (en culture d’hiver) ou d’ambroisie (au printemps). Le travail superficiel du sol via des faux-semis stimule la levée d’adventices que l’on détruira avant le semis par des moyens mécaniques ou chimiques. En contribuant à épuiser le stock semencier, cette méthode est très efficace sur graminées automnales et sur ambroisie. En revanche, elle est plus aléatoire sur d’autres dicotylédones. Il convient de ne pas réaliser de faux-semis trop proches du semis, sous peine de stimuler une levée des adventices dans la culture. Les labours occasionnels (tous les trois à quatre ans) sont une solution efficace contre les espèces dont les semences ont une faible durée de conservation dans le sol (graminées automnales : brome, vulpin, ray-grass…). Ils réduisent le stock semencier par l’enfouissement des graines, empêchant leur levée. Le labour est en revanche inefficace sur dicotylédones, dont les semences ont une longue durée de conservation en terre.
Juguler Insecteset champignons
Concernant les insectes ravageurs, il est recommandé de maintenir l’état initial d’une population, c’est-à-dire une très large majorité d’homozygotes sensibles et éventuellement quelques rares hétérozygotes résistants, comme signalé aux Journées d’échange sur les résistances 2019. Pour ce faire, l’aménagement de zones refuges permet de diluer les homozygotes résistants. Parallèlement, le respect des seuils de nuisibilité est incontournable avant de procéder aux traitements. La destruction des insectes résistants passera par l’adaptation et la diversification des stratégies de lutte, l’utilisation des méthodes alternatives et complémentaires, et enfin la réversion naturelle grâce aux auxiliaires, c’est-à-dire la prédation et le parasitisme des individus résistants, autant que les sensibles par ailleurs, qui conduisent au maintien d’un équilibre écosystémique.
Les pratiques culturales s’avèrent aussi efficaces contre les maladies fongiques notamment grâce aux variétés résistantes, aux agents de lutte biologique, au nettoyage des parties malades des cultures pérennes pour réduire l’incidence de la maladie… L’Inra rappelle qu’il faut éviter de cultiver de grandes superficies de la même variété, surtout si on sait qu’elle est sensible. Il peut être nécessaire de stériliser le sol et les équipements afin de prévenir la propagation des pathogènes, et en particulier pour les cultures sous serre. L’Institut recommande aussi d’allonger les intervalles de la rotation des cultures dans la mesure du possible, pour éviter la diffusion de pathogènes du sol, d’inspecter régulièrement les champs pour détecter l’apparition de symptômes d’une maladie avant qu’elle ne puisse s’établir, et de se familiariser avec les conditions de l’environnement et des cultures car elles sont généralement liées à l’apparition de maladies.
Les phytos en dernier recours
Enfin, l’usage de phytos, quand il est devenu incontournable, se plie à un ensemble de préconisations dans l’intérêt commun. Le mélange est « à utiliser en prévention de la résistance, sur des populations sensibles à tous les partenaires du mélange. Car sélectionner la résistance à deux modes d’action d’un coup est plus difficile que sélectionner la résistance à un seul », signale Anne-Sophie Walker, de l’Inra. Pour limiter le risque d’apparition, tous les partenaires sont efficaces sur les bioagresseurs visés et sont à leur dose efficace dans le mélange. Chaque partenaire a un mode d’action différent des autres. Le mélange est autorisé réglementairement.Augmenter le nombre de partenaires utiles dans le mélange permet de mieux lutter contre le risque d’apparition de résistances. Toutefois, cette pratique a quelques inconvénients : le coût, le risque de non-sélectivité (auxiliaires, culture, utilisateurs, chien du voisin…), l’augmentation de l’indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) ou du nombre de doses unités (Nodu), la législation, les mélanges interdits, etc. En cas de résistance, il faut exclure de la stratégie les modes d’action concernés par celle-ci. Les mélanges correspondent donc à une utilisation des matières actives en même temps et au même endroit.
Le principe de l’alternance se base sur la rotation des modes d’action dans le temps. La périodicité peut varier d’une culture ou d’une saison culturale à l’autre et être réglementée par les limitations imposées lors de l’homologation. La pratique de la mosaïque vise à utiliser plusieurs matières actives au même moment, dans des endroits différents : un champ A peut être traité à l’instant t avec un mode d’action X, et un champ B à l’instant t avec un mode d’action Y. Cela permet d’aboutir à une mosaïque spatiale.
Enfin, un échec de traitement n’est pas forcément dû à la présence de résistance. Le choix d’une substance ou d’une dose non appropriées peut entraîner une inefficacité sur le bioagresseur ciblé. Même lorsqu’une substance et une dose appropriées ont été choisies, d’autres facteurs influent sur l’efficacité du phyto : l’hygrométrie, la pluviométrie, l’adjuvantation, la qualité de l’application, le stade de l’adventice, de l’insecte, du champignon… Le respect des recommandations d’usages est la clé. Mais dans tous les cas, pour optimiser la lutte, « il faut rendre le contrôle imprédictible pour le bioagresseur », conclut Anne-Sophie Walker.
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