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Phytos : vers une restriction d'emploi Phytos : vers une restriction d'emploi

La prise en compte de la santé des applicateurs, des abeilles et du respect de l'environnement met la pression sur les pesticides.

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Une partie de la profession agricole déplore une réduction drastique de la palette de solutions chimiques. De plus, la mise sur le marché des spécialités en France est perturbée avec des retards d'évaluation et des dossiers bloqués malgré l'avis positif de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). D'un autre côté, les associations environnementales ne cessent de réclamer l'interdiction d'emploi de certains produits phytosanitaires, notamment pour des raisons sanitaires et environnementales. En tout cas, une restriction certaine semble se dessiner à l'avenir.

- Car si le caractère multifactoriel du phénomène d'effondrement des colonies d'abeilles est désormais clairement établi, on sait également que phytos et abeilles ne font pas forcément bon ménage. Des décisions sont d'ailleurs prises depuis un certain nombre d'années afin de renforcer la protection des abeilles vis-à-vis des produits phytopharmaceutiques, notamment les insecticides de la famille des néonicotinoïdes.

L'interdiction du Gaucho sur maïs et tournesol et du Régent TS sur maïs dans les années 2000 est restée dans les mémoires. Et au niveau européen, depuis le 1er décembre 2013, la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame ont été suspendus pour deux ans. Plus de 75 cultures sont concernées par des traitements de semences, du sol et foliaires. D'ailleurs, le sénateur écologiste Joël Labbé a déposé le 19 juin dernier à l'Assemblée nationale et au Sénat une proposition de résolution pour demander au gouvernement d'agir auprès de l'Union européenne pour interdire définitivement tout usage de néonicotinoïdes. Le 27 novembre 2014, François Hollande a confirmé vouloir aller plus loin dans l'interdiction de cette famille d'insecticides.

PROTECTION DES ABEILLES

Plus récemment, c'est l'arrêté « abeilles », encore en consultation jusqu'au 22 décembre, qui est venu compléter ces précédents dispositifs. Ce texte vise à renforcer la protection des abeilles domestiques lorsqu'un insecticide ou un acaricide ayant une mention « abeille » sont utilisés. Jusqu'alors, ces derniers pouvaient en effet être employés pendant la floraison et/ou la période de production d'exsudat, à condition de l'être « en dehors de la présence d'abeilles ». C'est sur ce point que le texte apporte des précisions en termes d'horaires et de cultures concernées (voir La France agricole n° 3568, p. 17).

En 2015 un document européen, Bee guidance, est également attendu, lequel pourrait impacter l'autorisation des produits phytosanitaires. Dans sa première version, tous les insecticides et 80 % des fongicides auraient été rejetés lors de l'évaluation... Les critères, qui ont été jugés trop stricts par les firmes, sont actuellement en cours de discussion.

- Les autres dossiers au sujet de la restriction d'emploi des produits phytosanitaires ne sont pas en reste. Ainsi, la deuxième version du plan Ecophyto est attendue en cette fin d'année. Le Premier ministre Manuel Valls avait confié au député PS de Meurthe-et-Moselle, Dominique Potier, sa rédaction afin de répondre à une obligation communautaire.

Lancé en 2008, ce plan visait à réduire de 50 % l'utilisation des produits phytos en dix ans. Pour tendre vers cet objectif, plusieurs actions ont été lancées : le réseau des fermes Dephy, les bulletins de santé du végétal, le Certiphyto... Ce dernier deviendra obligatoire à partir du 26 novembre 2015 pour acheter et appliquer des produits phyto à l'usage des agriculteurs et de leurs salariés. La date, d'abord fixée au 1er octobre 2014, a été repoussée : 30 000 chefs d'exploitation n'auraient pas encore leur sésame (soit environ 10 % des exploitants).

- La loi d'avenir pour l'agriculture promulguée le 11 septembre dernier va également dans le sens d'une réduction des phytos en prévoyant une expérimentation sur les certificats d'économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP). Les distributeurs auront un objectif de baisse des ventes de produits phyto à atteindre, avec une amende s'ils n'y parviennent pas. L'ordonnance précisant les règles d'application de ces certificats d'économie de produits phyto doit être publiée au plus tard un an après l'adoption de la loi d'avenir, soit d'ici septembre 2015.

SUBSTANCES SUR LA SELLETTE

- Cela fait plusieurs mois que le dossier concernant les perturbateurs endocriniens est évoqué. Jusqu'au 16 janvier, une consultation publique est en cours sur les critères de détermination des perturbateurs endocriniens. La Commission européenne devrait proposer aux Etats membres d'adopter les critères les définissant courant 2015. Une étude d'impact économique pourrait également être lancée. Selon les critères choisis, les triazoles, les dithiocarbamates ou les pyréthrinoïdes, par exemple, pourraient être menacés, soit 40 % du marché phyto français.

- De plus, le règlement européen 1107/2009 prévoit de mettre en place une nouvelle procédure d'autorisation pour une soixantaine de molécules. Le but : définir s'il existe un équivalent susceptible de provoquer moins d'effets irréversibles graves sur la santé ou sur l'environnement. Seraient concernées les substances cancérigènes, mutagènes toxiques pour la reproduction, persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) ou très persistantes et très bioaccumulables (vPvB), ainsi que d'autres substances de niveau de préoccupation équivalent (perturbateurs endocriniens...). La liste de ces substances candidates à substitution devrait être connue au plus tard début avril. En effet, c'est à partir de cette période que les agences devront réaliser une étude comparative usage par usage pour tous les produits concernés.

- Le nouveau classement toxicologique de certaines matières actives pose également question, car la France s'est dotée d'un arrêté sur les mélanges qui prend en compte ce classement pour autoriser les associations de produits. Or depuis sa mise en oeuvre en avril 2010, le classement des produits a évolué et il y a désormais des problèmes de correspondance, comme c'est le cas avec l'époxiconazole (voir la France agricole n° 3566, pp. 48-49). Dans les mois à venir, cet arrêté devrait donc être revu, voire - comme l'évoquent certains - retiré.

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