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Marché des grains Un peu plus haut !

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

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Hausse des prix cette semaine pour les deux complexes, céréalier et oléagineux, sous l’impact d’éléments géopolitiques mais aussi faisant suite à une activité soutenue en blé.

Le rebond timide se poursuit

Les blés français ont confirmé leur légère reprise cette semaine, s’appréciant de 1,00 à 1,50 €/t, à 162,75 €/t rendu Rouen et à 163,25 €/t rendu La Pallice (base : juillet). L’échéance de décembre d’Euronext repasse au-dessus de la barre des 170 €/t. La semaine a été marquée par la tension au Proche-Orient et les attaques contre des raffineries saoudiennes qui ont apporté un soutien au prix du pétrole : +6 % sur la semaine.

 

Le prix du pétrole a poussé celui des grains vers le haut via une amélioration des marges de production du bioéthanol et la crainte d’une montée du prix des intrants. La reprise des négociations sino-américaines a également été perçue comme haussière par le marché, un accord entre les deux grandes puissances étant pressenti comme favorable aux échanges.

 

Plusieurs clignotants se sont allumés en ce qui concerne les récoltes encore en cours : c’est le cas au Kazakhstan où les rendements s’améliorent avec la progression des moissons mais où les résultats sont nettement inférieurs à ceux de l’an dernier. C’est aussi le cas en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) où l’excès d’humidité handicape les moissons, ce qui laisse craindre des dégradations du rendement mais surtout de la qualité des blés de printemps.

 

Ces inquiétudes viennent s’ajouter à la situation beaucoup trop sèche dans l’est de l’Australie et aux craintes de manque de pluie en Argentine, à un moment où les rendements sont en train de s’élaborer dans ces deux pays. En Ukraine et en Russie, le temps sec, quant à lui, a retardé les semis d’hiver cette semaine, mais il n’y a rien de dramatique pour le moment d’autant plus que des pluies sont attendues au début d’octobre.

 

L’ensemble de ces facteurs a influencé les prix des blés en hausse cette semaine (+2 $/t pour les blés russes, +2 $/t pour les blés argentins). À noter toutefois une correction baissière des prix du blé d’hiver aux États-Unis, ces variétés restant très chères par rapport à la concurrence sur le marché mondial.

Une semaine active sur le plan des achats

L’Algérie, l’Égypte, la Tunisie et la Turquie ont acheté du blé cette semaine, profitant de la baisse récente des prix. L’Algérie a finalement contracté 600 000 tonnes de blé ce mercredi et la France a de bonnes chances de figurer parmi les fournisseurs, voire d’être le principal fournisseur. L’achat, assez important, a soutenu les prix à la fin de la semaine mais l’attitude de l’Algérie a d’abord suscité des interrogations.

 

Son appel d’offres portait sur des chargements pour novembre. Ce pays lance en général un appel d’offres par mois et le dernier concernait septembre. Le fait que le mois d’octobre soit passé à la trappe signifie peut-être que l’Algérie souhaite réduire ses achats, qui atteignent 1,5 million de tonnes pour la période de juillet à septembre contre 1,9 million de tonnes l’an passé pour la même période.

 

En parallèle, ce lundi, la présidence algérienne a promu M. Abderrahmane Bouchahda comme nouveau responsable de l’OAIC, l’office étatique d’importation. L’ancien responsable a été suspendu il y a deux mois, accusé de corruption. Dans ce contexte, le marché se demande si la stratégie d’achat du pays va changer ou non, et si l’absence d’achats pour octobre ne serait pas liée à ce changement de stratégie, un sujet à suivre de près vu l’importance de l’Algérie pour le bilan du blé français.

 

L’Égypte, de son côté, a contracté 180 000 tonnes de blé russe : pas de blé français retenu, la meilleure offre hexagonale se situant environ 2 $/t au-dessus des offres russes. La Tunisie a bouclé 42 000 tonnes de blé meunier (origine optionnelle) et la Turquie, de son côté, 250 000 tonnes de blé (rouge). Enfin, en Afrique du Nord, le Maroc n’est pas en reste : il a réduit de 135 % à 35 % les droits qui s’appliqueront sur les importations de blé à partir du 1er octobre.

 

Le Maroc augmente toujours les droits au cours des mois d’été pour favoriser l’écoulement de la production locale et « ouvre » les importations à l’automne. Néanmoins, la date d’ouverture peut varier d’une année sur l’autre. L’an dernier, les importations avaient débuté en novembre alors que cette année, elles sont avancées d’un mois : cela illustre le fort besoin d’importation du pays après une récolte calamiteuse.

 

Dans la foulée, le Maroc a aussi lancé deux appels d’offres de 576 000 tonnes chacun pour des blés américains et européens dans le cadre d’un quota à tarif préférentiel. Les blés américains n’ont guère de chance car ils sont chers, mais les Européens, français notamment, sont bien positionnés.

Nouvelle hausse en orge

Les prix de l’orge ont poursuivi, eux aussi, la légère remontée enclenchée la semaine dernière : les mêmes facteurs géopolitiques que pour le blé ont joué un rôle pour expliquer la hausse (pétrole, négociations entre les États-Unis et la Chine) mais les flux importants d’exportation à destination de la Chine sur les premiers mois de la campagne, en provenance de l’Ukraine et de la France, sont aussi un facteur de soutien.

 

Comme en blé, la Tunisie s’est portée aux achats cette semaine pour 50 000 tonnes d’orge qui seront chargées en novembre-décembre. L’orge française gagne ainsi 1,50 €/t à Rouen, à 151,25 €/t en base juillet, et s’affiche à 173 $/t Fob Rouen, un prix qui reste moins élevé que celui des orges de la mer Noire (176-177 $/t).

 

Le bilan mondial de l’orge est lourd avec une reconstitution importante de stocks attendue à la fin de la campagne. Cela devrait empêcher les prix de grimper beaucoup, mais ces derniers vont rester sensibles à toute évolution des prix du blé ou du maïs.

 

Sur le segment brassicole en revanche, les prix continuent de chuter pour les orges de printemps : –2,00 €/t sur la semaine, à 158 €/t Fob Creil pour la récolte de 2019 et 177 €/t pour la récolte de 2020. L’offre européenne est élevée cette année en orge de brasserie de printemps après la catastrophe de l’an dernier et cela comprime les prix. Les orges d’hiver brassicoles, quant à elles, sont restées inchangées, soutenues par des chargements vers la Chine.

Le maïs suit le mouvement

Les prix du maïs étaient orientés en hausse cette semaine, à la fois sur le marché européen et sur le marché mondial. Fob Rhin, le maïs français se situe à 158 €/t (+2 €/t par rapport à la semaine dernière). La remontée du pétrole et la rencontre en face-à-face des négociateurs chinois et américains après deux mois de blocage ont influencé les prix vers le haut.

 

La semaine prochaine, une délégation chinoise, accompagnée d’officiels américains, effectuera une visite auprès de fermes américaines et cela est perçu comme un signe d’ouverture. On peut douter toutefois de la durée de cette nouvelle trêve : en effet, nous ne sommes pas loin de penser que la Chine se remet à négocier dès qu’elle a un besoin urgent d’importer du soja ou de la viande. Une fois ce besoin comblé, la situation risque de se bloquer à nouveau.

 

De manière plus fondamentale, les hausses du prix du maïs (+3 $/t en Argentine, +2 $/t au Brésil et aux États-Unis) reflètent aussi cette semaine le temps sec qui risque de retarder les semis en Argentine d’une part et au Brésil d’autre part. Au Brésil, il fait sec dans le Parana et le Mato Grosso alors que les semis de soja sont en cours. Si ces derniers sont trop retardés, la récolte de soja en pâtirait et la seconde récolte de maïs, semée après celle de soja, aussi.

 

Ces inquiétudes ont tiré les prix de presque toutes les origines cette semaine et cela a touché aussi les prix européens. En effet, il existe un lien direct entre les maïs européens et le marché mondial via les importations de l’Union européenne, importations qui restent prévues en net retrait par rapport aux 25 millions de tonnes importées en 2018-2019, mais qui sont revues en hausse à 18 millions de tonnes ce mois pour 2019-2020 après un léger regain de compétitivité du maïs dans les rations animales.

 

Nous pensons toutefois qu’il est beaucoup trop tôt pour porter un large crédit aux inquiétudes en Amérique du Sud (les pluies ont largement le temps de revenir) et, pour l’instant, les perspectives de production y restent bonnes pour la récolte de 2020. Pas de changement fondamental donc, le bilan mondial du maïs demeurant extrêmement lourd malgré la chute de récolte prévue aux États-Unis.

Le colza français repart à la hausse

Au début de la semaine, les cours de pétrole ont connu leur plus fort rebond en une séance depuis la guerre du Golfe en 1991. En déclenchant des incendies dans des installations pétrolières en Arabie Saoudite, des attaques de drones ont mis à l’arrêt la moitié de la production saoudienne, soit environ 6 % de la production mondiale. Le prix de l’or noir a ensuite reculé progressivement durant la semaine faisant suite à l’annonce par le ministre de l’Énergie saoudien d’un rétablissement total prévue de la production de son pays d’ici à la fin de septembre. Sur une semaine, les cours ont tout de même progressé de 5,5 %.

 

Le marché de colza français a pleinement profité de la hausse des cours de pétrole. Les prix gagnent environ 4 €/t depuis la semaine dernière en Fob Moselle (à 390 €/t) comme en rendu Rouen (à 387 €/t) et sur Euronext (à 387 €/t). Le colza français était également soutenu par ses fondamentaux : nous prévoyons la production française à 3,55 Mt, son plus bas niveau depuis 2003.

 

La récolte européenne est également prévue en nette baisse avec des reculs de surfaces et de rendements faisant suite à une campagne marquée par la sécheresse et le déficit hydrique. Du côté de la demande, les besoins de l’industrie du biodiesel en huile devraient rester importants d’autant plus que la Commission européenne a mis en place des mesures anti-dumping limitant les importations de biodiesel argentin et indonésien. Des importations massives de colza et de canola alimentent actuellement le marché européen limitant la hausse de graine européenne.

 

Au Canada, le prix du canola est en petite hausse de 1 $/t, à 340 $/t, sur une semaine malgré la hausse du complexe oléagineux et du pétrole. En effet, les stocks de l’ancienne campagne pèsent sur le marché et empêchent la hausse des cours. Les stocks de canola au 31 juillet 2019 ont été estimés par StatCan à 3,87 Mt : ils sont en hausse annuelle de 55 %. Cette situation est due principalement au conflit commercial entre le Canada et la Chine, principal importateur du canola canadien. Cette dernière avait arrêté ses achats en provenance du Canada au début de 2019.

 

Le tournesol sous la pression de la récolte en mer Noire

Le prix de tournesol gagne 5 €/t, à 330 €/t, à Saint-Nazaire dans le sillage de son huile et des autres graines oléagineuses. À l’inverse, les prix de tournesol ukrainien sont sous la pression d’une très bonne récolte : ils reculent sur le marché intérieur (–14 $/t) comme en Fob (–5 $/t). Selon les chiffres officiels, plus de la moitié de la surface de tournesol a été récoltée au 19 septembre, en avance de 45 % par rapport à l’année dernière.

 

Le soja américain soutenu par des achats chinois importants

Le soja américain est en hausse d’environ 4 $/t, à 328 $/t à Chicago. Selon le rapport hebdomadaire de l’USDA, les ventes de soja américain sont estimées à 1,73 Mt durant la semaine se terminant le 12 septembre, chiffre au-dessus des attentes du marché. De plus, deux achats de 256 000 et 260 000 t ont été rapportés cette semaine. Le retour des chinois à l’achat s’est donc confirmé. Cependant, le bilan américain reste particulièrement excédentaire.

 

Des achats supplémentaires seraient donc nécessaires pour alléger les stocks conséquents de soja. Par ailleurs, les négociations entre les États-Unis et la Chine se poursuivent avec des rencontres attendues la semaine prochaine à Washington entre les dirigeants américains et chinois.

 

En ce qui concerne le tourteau de soja, contrairement à la graine, son prix cède 4 $/t depuis la semaine dernière à 322 $/t à Chicago. Le tourteau français a suivi (–1 €/t). Ce recul est à mettre sur le compte des incertitudes liées à la demande mondiale. En effet, un nouveau foyer de peste porcine africaine a été découvert en Corée du Sud mercredi près de la frontière avec la Corée du Nord. En Chine, la peste porcine africaine, apparue en été 2018, a fortement réduit le cheptel porcin et a impacté la demande du secteur de l’alimentation animale, dont les tourteaux.

À suivre : rythme d’importation de l’Algérie et du Maroc en blé, compétitivité entre l’Union européenne et la mer Noire, avancée des récoltes de tournesol et de maïs (mer Noire/Union européenne), semis du soja et du maïs en Amérique du Sud, négociations commerciales sino-américaines.

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