Marché des grains L’euro pèse sur les prix du blé
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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On assiste cette semaine à une baisse sur le marché français pour le blé et l’orge fourragère et le complexe oléagineux.
Blé : pause en France
Après la progression des dernières semaines, les prix du blé s’affaissent de 1 à 2 €/t sur le marché français, à 186,75 €/t rendu Rouen et 187,25 €/t rendu La Pallice. À la mi-journée ce vendredi, Euronext se retrouvait à 185,75 €/t sur l’échéance de septembre après avoir buté sur le niveau de 190 €/t il y a tout juste une semaine.
Le marché a repris sa respiration après la hausse de la semaine dernière avec l’annonce d’une surface très basse par Agreste, le service de la statistique du ministère de l’agriculture. 47 % des surfaces de blé françaises étaient récoltées au 13 juillet 2020, selon Céré’Obs. Nous estimons la production française à 31,6 millions de tonnes et cela représente une perte potentielle de 8 millions de tonnes par rapport à l’an passé à moins que les résultats du nord de la France viennent améliorer légèrement le panorama.
Dans l’Union européenne (UE), les rendements sont très bas en Roumanie et Bulgarie mais s’annoncent bons en revanche dans le Nord (pays baltes). En Allemagne, la fédération des coopératives vient de publier une estimation à 22,46 millions de tonnes ; cela représente une baisse par rapport aux 23 millions de tonnes de l’an dernier mais cette baisse reste modérée. Malgré tout, nous estimons la récolte européenne de blé tendre à près de 130 millions de tonnes (voire moins si les résultats se dégradent encore dans le sud-est de l’UE) et cela signifie une perte de 17 millions par rapport à l’an dernier.
Du côté de la mer Noire, les perspectives se sont dégradées cette semaine et notre estimation de la récolte se rapproche maintenant de 76 millions de tonnes, supérieure encore au niveau de 2019 mais de peu (74,5 millions de tonnes). Les résultats sont moins élevés que prévu dans le sud et l’ouest du pays d’une part, et la sécheresse menace les rendements des blés de printemps plus à l’Est d’autre part.
Ce contexte maintient le marché en alerte. Conjugué à des achats chinois de blé US, cela a continué de soutenir et de faire grimper les prix sur le marché mondial cette semaine. La hausse de l’euro et le manque de compétitivité des blés français ne leur ont pas permis d’en profiter. C’est ainsi encore du blé russe qui a été retenu cette semaine par l’Égypte (achat de 114 000 tonnes pour chargement à la fin d’août) ; il n’y avait pas d’offre française cette fois-ci.
Les orges fourragères s’affaissent
Le prix de l’orge fourragère diminue cette semaine, à 163,25 €/t rendu Rouen (–2 €/t), soit 191 $/t Fob Rouen. Cette évolution est à l’opposé de celle des orges de la mer Noire qui gagnent au contraire 2 $/t sur août, à 186,5 $/t Fob, et 5 $/t sur juillet, à 181,5 $/t. Les prix de la mer Noire sont tirés par la perspective de chargements à la Chine sur les mois d’été. Les prix français retombent au contraire à cause de l’arrivée des orges ukrainiennes sur le marché et de cette compétition à destination de la Chine, après les très forts chargements français observés au début de juillet vers cette destination.
Malgré tout, les orges françaises demeurent encore plus chères que leurs concurrentes de la mer Noire. Elles sont aussi encore plus chères que les orges anglaises qui demeurent les plus attractives du marché. L’Arabie Saoudite vient de lancer un appel d’offres (qui se clôture ce soir 17 juillet 2020) pour 720 000 tonnes d’orge en origine optionnelle et pour arrivée entre octobre et novembre. Elle a déjà acheté 1,1 million de tonnes en juin pour chargement sur août et septembre. Il apparaît probable que la préférence sera donnée aux orges de la mer Noire (du sud-est de l’UE ou ukrainiennes) vu leur avantage actuel.
Les exportations anglaises vers les pays tiers n’atteignent jamais de très hauts niveaux mais il n’est pas exclu non plus que quelques bateaux anglais puissent se faire sur l’Arabie Saoudite comme ce fut le cas en 2019-2020. L’Iran a lancé aussi un appel d’offres (qui fermait le 15 juillet 2020) pour 200 000 tonnes d’orge dont les résultats sont en attente. Les utilisations d’orge continuent bon train et s’annoncent en hausse cette année aux dépens du blé dans plusieurs grandes régions consommatrices de la planète.
Malgré tout, avec des récoltes supérieures à celles de l’an dernier au Canada, en Australie, en Ukraine et dans l’UE (grâce à l’Espagne), la situation mondiale de l’orge reste toujours très lourde.
Les orges brassicoles d’hiver s’apprécient
Sur le créneau brassicole, les prix sont restés quasi stables pour les orges de printemps, proches de 175 €/t Fob Creil en base juillet. En revanche, ils se sont redressés de 5 €/t pour les orges d’hiver, à 170 €/t Fob Creil. Cela découle des résultats de la moisson et de l’estimation du rendement national qui s’est encore dégradée.
Au 13 juillet 2020, la récolte était avancée à 90 % des surfaces. Les rendements s’affichent en fort retrait par rapport aux moyennes quinquennales, masquant également de fortes hétérogénéités. Un grand nombre de parcelles affectées par la jaunisse nanisante de l’orge ont complètement décroché avec des rendements réduits de plus de moitié par rapport à la normale. Petite note positive à ce tableau toutefois, la qualité est au rendez-vous malgré quelques poids spécifiques faibles dans le Sud-Ouest. Les taux de calibrage dépassent les 80 % pour une très large partie des productions. Les taux de protéines semblent dans l’ensemble conformes aux attentes de l’industrie brassicole.
Nous estimons actuellement la récolte d’orge d’hiver française à 7,8 millions de tonnes (9,25 l’an dernier) et sur ce total 2,4 millions de tonnes pourraient convenir pour la malterie (contre 3 millions de tonnes l’an dernier).
En Europe, nous estimons que la production d’hiver apte à la brasserie pourrait chuter de 4 millions de tonnes l’an passé à 3,2 millions de tonnes cette année. Le bilan des orges brassicoles d’hiver s’annonce en conséquence tendu dans l’UE, et en France, surtout que la Chine pourrait acheter autant d’orge brassicole d’hiver à la France que l’an dernier. Il va contraster avec celui des orges de printemps.
Stabilité à hausse pour le maïs français
Le temps aux États-Unis (USA) a été moins chaud que prévu cette semaine et cela a apaisé les esprits et fait retomber quelque peu les prix par rapport au niveau atteint à la fin de la semaine dernière. Les opérateurs ont ainsi accordé plus d’attention aux conditions climatiques qu’à d’autres facteurs, plutôt porteurs en revanche.
En effet, l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, va-t-il entériner la révision à la baisse de la production de maïs en 2020 aux USA (à 381 millions de tonnes) par rapport aux premières attentes (406 millions de tonnes). Cette production US sera toutefois plus élevée que celle de l’an dernier (346 millions de tonnes) et va conduire à un bilan US très lourd (gros stocks attendus à la fin des campagnes de 2019-20 et 2020-21), d’où le faible impact sur les prix de la révision en baisse de la production.
De plus, l’événement le plus frappant de la semaine a trait aux achats de maïs chinois : ces derniers ont été très élevés depuis deux semaines. Vendredi dernier, la Chine a en effet acheté 1,36 million de tonnes de maïs US, son plus gros achat en 26 ans, réparti entre des maïs de la récolte de 2019 et des maïs de la récolte de 2020. Et ce n’est pas tout, elle a « remis cela » mardi 14 juillet 2020 en contractant à nouveau un gros volume de maïs US (1,76 million de tonnes pour livraison sur la campagne de 2020-21). Si ces volumes ne sont pas annulés (cela n’est pas à exclure pour certains volumes), les quantités déjà achetées par la Chine aux USA représentent le second volume le plus important de l’historique des importations de maïs US en Chine.
À l’arrière de ces achats, l’on peut citer l’engagement de la Chine de mieux respecter ses obligations d’importation à l’OMC (après une plainte US validée par l’OMC à la fin de 2019) et la phase 1 de l’accord US-Chine qu’elle a signé il y a quelques mois l’obligeant à acheter de gros volumes de marchandises US.
Enfin, nous prévoyons une chute de la récolte de maïs en Chine qui peut expliquer que ce pays souhaite faire des réserves, face notamment à l’incertitude provenant de la pandémie de Covid.
Malgré tout, les prix US se sont affaissés et il en a été de même pour les prix brésiliens et ukrainiens cette semaine. Cela a stoppé la hausse des prix français à 170 €/t Fob Rhin d’autant que les conditions de juin ont été bonnes pour le développement des cultures dans l’Hexagone et dans l’UE où nous prévoyons la production de maïs en hausse de 2,5 millions de tonnes environ à presque 67 millions de tonnes.
Les prix de l’ancienne récolte sur la façade atlantique, quant à eux, ont quand même grimpé à 171 €/t Fob bordeaux (en base juillet), soutenus probablement par la faiblesse désormais des disponibilités résiduelles en France en ancienne campagne.
La parité euro/dollar pèse sur les cours du colza
Pénalisés par la nouvelle reprise de la parité euro/dollar, les cours du colza terminent la semaine dans le rouge, en dépit de la hausse des huiles. Sur l’échéance d’août, le colza Euronext a baissé de 2,75 €/t, à 382,5€/t. Le marché physique a poursuivi le même mouvement, en cédant de 4 €/t en Fob Moselle (à 382 €/t) et de 2,5 €/t à Rouen (à 374 €/t).
Par ailleurs, l’association des coopératives allemandes prévoit une hausse de 13,7 %, à 3,21 millions de tonnes de production de colza en Allemagne pour la campagne de 2020-21. Cela a apporté de la pression supplémentaire sur les cours du colza.
En ce qui concerne la parité euro/dollar, cette dernière a évolué en hausse marquée, de près de 1 % sur la semaine, pour se rapprocher de 1,14 $. Le dollar, quant à lui, est resté sous la pression des propos de la Fed cette semaine, qui laisse entrevoir un redressement moins rapide qu’espéré de l’économie américaine. Cette dernière continue de subir les conséquences de la crise du coronavirus sur fond d’aggravation de la situation sanitaire dans le pays.
Outre Atlantique, malgré de la fermeté de son homologue américain et des huiles, le canola canadien a évolué en baisse de 2 $/t, à 354 $/t. Cela s’explique par le rebond du dollar canadien face au billet vert et par la météo favorable au développement des cultures. Bien qu’hétérogènes, de nouvelles précipitations sont attendues sur la semaine à venir le Saskatchewan et l’Alberta, ce qui réduit les risques de production.
Enfin, malgré une hausse sur la semaine, les cours du pétrole s’orientaient de nouveau à la baisse à la fin de la semaine à la suite des déclarations des grands producteurs (l’Opep et ses alliés, dont la Russie) de réduire leur production moins fortement que ce qui était prévu au départ.
Baisse du tournesol, conditions hydriques à surveiller
Pour le tournesol, les cultures se développent globalement dans de bonnes conditions en France et dans l’UE. Cependant, les précipitations seraient nécessaires dans les prochaines semaines. Les conditions hydriques sont également à surveiller en mer Noire. Un déficit hydrique prolongé pourrait affecter les rendements potentiels de la culture de tournesol.
Dans le sillage du colza, les prix de tournesol ont poursuivi le même mouvement de baisse, mais de façon plus marquée, en cédant 13,5 €/t à Saint-Nazaire, à 330 €/t. Les stocks bas en mer Noire empêchent toute baisse des cours pour le moment dans cette région, malgré de très bonnes perspectives attendues de la production pour la nouvelle campagne. Sur la semaine, les prix y sont restés stables, à 410 $/t.
Les prix de la fève retombent
Après deux semaines consécutives de hausse, les prix du soja à Chicago se sont finalement repliés cette semaine en raison de perspectives météorologiques plus clémentes dans les plaines US. Plusieurs publications de l’USDA ont également alimenté cette baisse des cours.
S’agissant des stocks de fin de campagne prévisionnels en 2020-21, l’institution américaine les a révisés en hausse de 7 % par rapport au mois dernier (à 425 millions de boisseaux) compte tenu d’une révision à la baisse de la demande attendue. D’autre part, l’attaché agricole US au Brésil a projeté une hausse de près de 4 millions de tonnes de la récolte brésilienne en 2021 qui pourrait atteindre un record historique de 130 Mt, via une nette hausse de surfaces emblavées. Cette hypothèse repose notamment sur la capacité d’investissement accrue des producteurs locaux dont la trésorerie a largement bénéficié de la forte dépréciation du réal face au dollar et des exportations massives vers la Chine tout au long de la campagne de 2019-20.
L’intérêt des importateurs chinois pour la marchandise sud-américaine devrait rester soutenu en 2020-21 comme en témoigne le fort degré de contractualisation précoce avec les exportateurs brésiliens sur la nouvelle récolte.
Quelques éléments ont toutefois fait rebondir les prix à la fin de la semaine. En effet, le niveau de trituration US en juin rapporté par le Nopa s’est finalement révélé légèrement supérieur aux attentes des opérateurs (à 167,3 millions de boisseaux). De plus, le rapport hebdomadaire sur l’état des cultures du 12 juillet 2020 a indiqué que 68 % des surfaces affichent des conditions de développement bonnes à excellentes, contre 71 % la semaine antérieure. En outre, les prix US ont aussi bénéficié d’une vague de ventes US au cours de la semaine. Selon les dernières déclarations, plus de 1 million de tonnes seraient destinées à la Chine dont 132 000 tonnes livrables en 2019-20 et 908 000 tonnes attendues en 2020-21.
Finalement, le soja à Chicago n’accuse qu’un léger repli de 1,9 $/t sur la semaine (à 328 $/t), tandis que les contrats sur novembre perdent 3,8 $/t (à 327 $/t).
Le tourteau de soja se replie plus fortement que la fève
Dans le secteur de l’alimentation animale, les incertitudes concernant la demande mondiale en protéines persistent face à la recrudescence des cas de contamination au Covid-19 et la crainte d’une seconde vague dans de nombreux pays.
Dans ce contexte, les prix du tourteau de soja ont nettement corrigé cette semaine en cédant 9 $/t à Chicago (à 316 $/t). D’autre part, de nouveaux cas de peste porcine africaine ont récemment été signalés dans le sud de la Chine, ce qui fait craindre un retour de la mortalité dans les cheptels compromettant la reconstitution des effectifs. Le tourteau français recule également (–14 €/t, à 321 €/t à Montoir) dans le sillage des cours mondiaux et en raison de stocks satisfaisants dans les usines de trituration UE.
En pois fourrager, les prix départ Marne sont reconduits sur la semaine (à 215 €/t) du fait du manque d’activité sur le marché.
À suivre : résultat des récoltes et conditions climatiques de l’hémisphère Nord, climat dans l’hémisphère Sud, émergence de nouveaux cas de peste porcine africaine dans le sud de la Chine, dynamique des achats chinois.
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