Bruxelles veut exempter certaines NBT de la directive OGM
La Commission européenne a adopté le 5 juillet 2023 un texte visant à sortir certains produits issus des nouvelles techniques génomiques de la directive sur les OGM de 2001.
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La Commission européenne a adopté le 5 juillet 2023 un règlement visant à encourager les cultures produites à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques (NTG ou NBT en anglais), qui n’existaient pas encore en 2001 lorsque la législation sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) a été adoptée. Les règles drastiques de cette dernière (longue procédure d’autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance…) apparaissent « inadaptées » aujourd’hui pour Bruxelles.
La Commission s’est appuyée sur l’Efsa (agence européenne de sécurité des aliments) qui a publié différents avis sur le sujet depuis 2018. L’agence avait conclu que les risques avec les variétés issues des NBT sont similaires à ceux pouvant survenir avec les variétés issues de la sélection conventionnelle.
Nouveau cadre juridique
Le nouveau texte présenté le 5 juillet 2023, qui fait partie d’un paquet législatif sur « l’utilisation durable des ressources naturelles », vise à offrir un cadre juridique aux plantes obtenues par mutagenèse ciblée (1) et par cisgenèse (2) ainsi qu’aux produits destinés à l’alimentation humaine et animale contenant de telles plantes. Ces techniques peuvent être utilisées de diverses manières pour obtenir des produits différents, simples ou complexes. La proposition de Bruxelles crée ainsi deux catégories :
- Les NBT de catégorie 1, qui pourraient également apparaître naturellement ou être produites par sélection conventionnelle, et seraient sans impact négatif sur la durablilité. Ces produits sortiraient de la législation relative aux OGM. La transparence serait assurée via une base de données publique, les catalogues de variétes et l’étiquetage des semences NGT.
- À l’inverse, les NBT de catégorie 2, non équivalentes aux variétés conventionnelles, continueraient à être considérées comme des OGM et soumises à la directive 2001/18.
Aucun produit issu des NGT ne pourrait être labellisé « bio ».
Plus ciblé, plus rapide et moins cher
La Commission met en avant l’intérêt des NBT pour développer des plantes utilisant moins de produits phytosanitaires et mieux adaptées au changement climatique. « Ces techniques permettent de faire des modifications de façon plus ciblée, plus précise et plus rapide », insiste la Commission européenne. Et de citer l’exemple d’une pomme de terre résistante à un pathogène dont le temps de développement passerait de dix à douze ans en sélection conventionnelle à seulement quatre ans avec l’édition génomique. Par ailleurs, développer ces produits revient beaucoup moins cher, permettant à des PME de réussir à « travailler avec tous ces outils ».
« Nous sommes déterminés à conserver un haut niveau de sécurité pour la santé humaine et animale et pour l’environnement concernant les produits qui sont mis sur le marché dans l’Union européenne, ceci est non négociable », ajoute la source bruxelloise.
Bataille rude annoncée
Mais la bataille s’annonce rude autour de ces nouvelles techniques génomiques, en pleine bataille sur le pacte vert de l’Union européenne : certains y voient la promesse de semences plus résistantes et durables, les autres les considèrent comme des « OGM cachés ».
Au niveau des États, l’Espagne, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, veut négocier de concert la législation NGT et un autre texte imposant des objectifs de réduction des pesticides, sur lequel les discussions s’enlisent en raison d’inquiétudes pour les rendements. C’est aussi la position de Renew (centristes et libéraux) au Parlement européen. « On ne peut pas atteindre les objectifs du pacte vert », la baisse des produits phytosanitaires, « sans des outils alternatifs qui changent la donne » pour continuer à produire autant, observe l’eurodéputée Irène Tolleret.
À l’inverse, une partie des eurodéputés de gauche sont hostiles à toute « dérégulation » et réclament que les NGT restent soumis à la réglementation OGM, conformément à un verdict rendu en 2018 par la Cour de justice de l’Union. « Il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers. Je suis un farouche adversaire à la mise en culture sans évaluation complète et indépendante, sans traçabilité, ni information réelle des consommateurs », insiste l’élu socialiste Christophe Clergeau, s’inquiétant des effets sur les interactions complexes d’une plante avec son environnement. Pour l’ONG BeeLife, « il serait irresponsable de commercialiser ces nouveaux OGM sans connaître l’impact » hors des laboratoires pour les abeilles et la biodiversité.
Pour ses détracteurs, l’édition génomique est loin d’avoir fait ses preuves. « On fait fausse route, on bâtit sur des promesses illusoires », au risque d’effacer « la grande diversité génétique » que les agriculteurs développent localement à force de croisements traditionnels et d’accroître la dépendance des cultivateurs aux semenciers, face à la multiplication des brevets sur le vivant, s’alarme l’eurodéputé Benoît Biteau (Verts). Pour l’ONG Friends of the Earth, les NGT répondent mal au défi de conditions climatiques changeantes et imprévisibles, qui imposent au contraire de « maximiser la diversité » en adaptant localement les variétés. Autre point sensible, l’absence d’étiquetage sur les aliments commercialisés issus de plants NGT : l’association Foodwatch dénonce un « immense recul […] qui priverait les consommateurs de leur droit à savoir ce qui est dans leur assiette ».
La Commission européenne reste toutefois optimiste quant à l’adoption du texte par le Conseil et le Parlement avant les élections législatives de 2024.
(1) La mutagenèse ciblée induit des mutations dans le génome sans introduction de matériel génétique étranger (par exemple apportée au sein de la même espèce végétale).
(2) La cysgenèse a lieu lorsque des modifications sont apportées entre des plantes naturellement compatibles.
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