Négociations commerciales, la transparence est-elle la solution pour le revenu agricole ?
Si amener davantage de transparence dans les négociations commerciales est un argument défendu du côté des producteurs laitiers, ce point de vue n’est pas partagé par tous les acteurs de la filière laitière.
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Davantage de transparence dans les négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs permettrait-elle d’améliorer les revenus des exploitants agricoles ? C’est ce que soutient Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL).
La transparence s’arrête à la sortie du tank à lait
« Quand je veux aller chez mon industriel pour essayer de savoir son mix produit, où il fait du bénéfice et comment il répartit la valeur, je n’ai pas d’information », regrette Yohann Barbe, après avoir indiqué que les charges des éleveurs laitiers étaient quant à elles connues « de tous » car « publiées ». Invité d’un débat organisé par l’Académie d’agriculture le 30 avril 2025, il ajoute que cette opacité « est pire chez les distributeurs ».
« La transparence s’arrête au moment où le lait monte dans le camion », résume le syndicaliste agricole, tout en estimant que la transparence sur les coûts et marges de chacun des acteurs de la chaîne alimentaire permettrait d’équilibrer un rapport de force défavorable à l’amont. « Les seuls qui sont toujours épinglés, c’est le consommateur ou les producteurs. La variable d’ajustement est à chaque bout de la chaîne. À son milieu, ils vivent tous », enchaîne-t-il.
Le médiateur des relations commerciales n’y croit pas
Un besoin de transparence qui n’est pas mis en avant par tous les intervenants du jour à la tribune de l’Académie d’agriculture. En commençant par Thierry Dahan, médiateur des relations commerciales agricoles chargé de faciliter le dialogue entre les différents maillons de la chaîne. De son point de vue, cette transparence ne servirait tout simplement « à rien ». Une transparence basée sur des coûts détaillés bloquerait toute négociation et serait inapplicable dans le cadre annuel des négociations commerciales, selon lui.
Le médiateur préfère à cette transparence sur les coûts et les bénéfices, une négociation basée sur les indicateurs des coûts de la production agricole prévus par les lois Egalim. Cela « marche », ajoute-t-il tout en citant l’exemple du lait. C’est d’ailleurs le secteur où le principe de la non-négociabilité de la matière première agricole posé dans le cadre de ces mêmes lois semble s’appliquer le mieux selon le bilan des dernières négociations annuelles communiqué le 22 avril par l’Observatoire des négociations commerciales.
Une position du médiateur partagée par l’académicien Philippe Goetzmann, aujourd’hui consultant et qui travaillait auparavant chez Auchan. « Je suis profondément convaincu que la transparence sur les prix et les coûts ne doit pas exister ». Celle-ci nuirait à l’innovation et à la recherche de gains de compétitivité, assure-t-il.
Des marges « faibles » pour la grande distribution
L’expert distingue la transparence avec la création de valeur. Il existe « des tas de filières qui créent de la valeur sans avoir besoin de transparence », observe-t-il. Pour lui, la solution relève plutôt du rapport de force que l’État doit pouvoir équilibrer. « Son rôle premier est de garantir la saine concurrence afin de permettre l’ajustement du marché par la concurrence », poursuit-il, tout en ajoutant que le maillon agricole souffre « d’organisations de producteurs trop petites qui n’ont pas le poids de négociation nécessaire ».
Répondant à Yohann Barbe, Philippe Geotzmann tenait à ajouter que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires montrait que les niveaux de marge de la grande distribution sont généralement « faibles », même si cela varie par filière. « Soyons sérieux, ne me faites pas rigoler », a ironisé aussitôt le président de la FNPL.
L’académicien a ensuite précisé que des groupes intégrés comme Carrefour, Auchan, Casino, publient des comptes consolidés faisant apparaître « une rentabilité de l’ordre de 1 à 2 % de son chiffre d’affaires, ce qui est un résultant notoirement inférieur à la plupart des autres distributeurs au niveau européen ».
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