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« Garantir à chacun d’être soigné et suivi par un médecin »

Député de la Mayenne, Guillaume Garot porte une proposition de loi visant à encadrer l'installation des médecins sur le territoire.

Le député de la Mayenne, Guillaume Garot, a porté la première proposition de loi visant à encadrer l’installation des médecins sur le territoire, adoptée à l’Assemblée nationale le 7 mai 2025. Interviewé par La France Agricole, il revient ici sur les moyens de lutter contre les déserts médicaux et les enjeux de cette loi pour les Français.

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Il y a eu deux propositions de loi adoptées en mai, l’une à l’Assemblée, l’autre au Sénat, ainsi qu’un pacte gouvernemental pour améliorer l’accès au soin dans les territoires déficitaires en médecins. Quelles sont les prochaines étapes de ces textes ?

Notre proposition de loi est la seule aujourd’hui qui soit transpartisane, écrite par des députés de gauche, de droite, du centre. C’est ce qui a permis qu’elle soit adoptée à l’Assemblée avec une majorité très nette. Nous souhaitons bien sûr qu’elle puisse être discutée au Sénat et votée aussi vite que possible. Parce qu’on ne peut plus attendre face à l’ampleur des défis devant nous. L’enjeu est que chacun en France puisse être soigné correctement avec un médecin.

Comprenez-vous l’opposition des médecins aux propositions de loi ?

Non, je ne la comprends pas, parce que notre responsabilité est de garantir à chacun en France d’être soigné et suivi par un médecin. J’insiste sur le suivi. Or, aujourd’hui les inégalités se creusent entre Français car elles se creusent entre les territoires, entre ceux qui sont les plus correctement dotés en présence médicale et ceux qui ne le sont pas. Ces inégalités n’ont cessé de se creuser. C’est-à-dire qu’il y a toujours plus de médecins dans les territoires qui étaient déjà les mieux dotés il y a quinze ans, qui sont des territoires des littoraux ou au cœur des grandes agglomérations. Et toujours moins de médecins dans les territoires qui étaient déjà en fragilité il y a quinze ans.

La régulation fonctionne pour les autres professions de santé, la plus stricte qui existe étant celle pour les pharmaciens. Elle garantit à chacun en France aujourd’hui une pharmacie à proximité. Et cela n’a posé de problème à personne.

Avec notre proposition de loi, il ne s’agit pas de dire aux médecins de s’installer ici ou là, dans telle ou telle commune. En revanche, ce que nous proposons, c’est de ne pas autoriser de nouvelles installations dans les territoires déjà suffisamment dotés en présence médicale. Et cela concerne aujourd’hui 13 % du territoire national. Il me semble nécessaire aujourd’hui de reformuler le contrat qu’il y a entre la nation et ses soignants, ses médecins en particulier.

Je rappelle que les études médicales sont gratuites. C’est vrai qu’elles sont très longues et c’est vrai aussi que nos jeunes internes redonnent beaucoup de ce qu’ils ont reçu parce qu’ils tiennent l’hôpital à bout de bras. Mais ensuite, tout au long de leur carrière professionnelle, les revenus de nos médecins sont garantis par nos cotisations à l’assurance maladie, donc il n’y a rien de choquant à mes yeux à ce que l’on puisse travailler ensemble avec les organisations professionnelles représentatives pour une meilleure répartition de nos médecins partout sur le territoire national.

Est-ce que la régulation de l’installation changera le problème dans l’immédiat ?

Sur la base d’une étude réalisée par un chercheur de l’université de Lille, nous estimons que la régulation permettrait chaque année à 600 000 patients de retrouver un médecin traitant, à raison d’un peu plus de 400 médecins qui n’iraient plus s’installer dans les zones suffisamment dotées, mais qui iraient s’installer partout ailleurs où ils veulent. L’installation n’est pas remise en cause, elle est simplement encadrée.

Les maisons de santé pluridisciplinaires semblent être une solution, autant appréciée des patients que des médecins qui y travaillent. On est pourtant loin des objectifs fixés. Quels sont les freins à leur mise en œuvre ?

Des maisons pluridisciplinaire,s on en a fait depuis vingt ans, tout le monde est pour. Elles répondent à une attente forte des jeunes médecins, en particulier le besoin de travailler avec d’autres en équipe. Les communes financent largement les maisons de santé, avec parfois des demandes de praticiens qui sont lourdes à supporter pour les finances locales. Le problème, c’est qu’on se retrouve aujourd’hui avec des maisons de santé où il y a tous les professionnels, des kinés, des infirmières, des podologues, parfois des dentistes. Il manque juste un médecin. On est bien dans la problématique de la répartition de nos forces médicales.

Il est aussi question de la formation des médecins dans ces textes de loi. Dans quels délais les Français en verront-ils les bénéfices ?

La formation ne produit pas des effets à court terme. La régulation produit des effets à partir du moment où la loi est votée et mise en œuvre puisqu’on change les modalités de l’installation. Et pour nous, cela vaut pour la médecine libérale mais aussi pour la médecine salariée en centre de santé. Cela vaut autant pour les généralistes que pour l’ensemble des spécialistes. C’est une approche territoriale.

La mission de solidarité présentée par le gouvernement pour 151 intercommunalités est basée dans un premier temps sur le volontariat des médecins jusqu’à deux journées par mois. Qu’en pensez-vous ?

Ce ne sont pas deux journées par mois qui suffiront à régler le problème. Et sur la base du volontariat, est-ce que ce sera suffisant ? Surtout pour garantir aux habitants des 151 zones, un médecin qui assurera le suivi. Ce qu’attendent les gens, c’est un médecin qui les suit, un médecin référent, ce qu’on appelle un médecin traitant. Ce n’est pas scandaleux de demander cela. Et le dispositif ne répond pas à ça. De plus, le pacte gouvernemental dit compter sur les médecins qui ont du temps. Mais où sont-ils ? Pas à dix kilomètres de la zone rouge. On est à plusieurs centaines de kilomètres. Vous voyez les contraintes logistiques, matérielles et financières de ce dispositif.

Notre dispositif de régulation est beaucoup plus simple. D’abord, cela ne coûte pas un euro de plus, ce qui a du sens quand on nous demande de faire 40 milliards d’euros d’économie. C’est juste fondé sur les règles. Il n’y a pas de compensation ni de coût supplémentaire. Deuxièmement, le dispositif a montré son efficacité sur les autres professionnels de santé qui sont mieux répartis sur le territoire que les médecins. C’est vrai pour les pharmaciens, les infirmiers, même si ce n’est jamais parfait à 100 %.

Pour orienter les actions vers les territoires, qui en ont le plus besoin, encore faut-il définir ces zones. Pourquoi cette étape pose-t-elle problème ?

Le zonage actuel n’est pas satisfaisant. C’est un point qui fait accord entre les parties prenantes. Nous pensons au sein du groupe transpartisan que nous pouvons faire évoluer les critères du zonage en intégrant des données qui ne sont pas prises en compte aujourd’hui. Par exemple, la prévalence de pathologie selon les régions, ou les données socio-économiques. On doit demain agréger dans un nouvel indicateur, que l’on a appelé l’indicateur territorial de l’offre de soins, l’ensemble des données sociales, économiques, sanitaires qui nous permettent de voir, en fonction de l’offre de soins, si on est ou pas dans un désert médical. Oui il faut revoir le zonage. Et oui nous avons fait des propositions qui ont été d’ailleurs votées dans la loi à l’Assemblée dans le cadre d’un amendement.

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