C’est son avis « Entreprendre pour s’en sortir »
Laurent Clément, ancien chef cuisinier étoilé, a publié un livre de recettes du terroir (1). Il met en lumière les producteurs avec lesquels il travaille au quotidien et qui sont porteurs de créativité. Un critère essentiel, selon lui, face à la crise.
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Sans cesse innover
Artisans, commerçants, agriculteurs, nous sommes tous pareils. La réglementation pèse sur nos entreprises. Nous avons beaucoup de contraintes. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à être touchés par la crise. Il faut arriver à s’élever au-dessus de la mêlée pour avoir plus de visibilité. Si l’on prend du recul, on se rend compte que peu de chose dépend de l’extérieur et que chacun possède les ressources pour agir.
En cuisine, pour s’imposer, la créativité est nécessaire. Ce n’est pas simple car en tant que chef cuisinier, on n’a pas de contact avec les clients. On ne sait pas ce qu’ils attendent. Mais il faut sans cesse innover. À Chartres, en marge du restaurant étoilé Le Grand Monarque, mon associé et moi avons développé des cours de cuisine cinq jours sur sept. Les plats sont variés et nous avons un contact différent avec les personnes. Cette aventure est un renouvellement permanent. Quand on brise la routine, on le regrette rarement.
Jusqu’à 15 ans, je voulais être agriculteur. Mais je ne possédais pas de terre. J’ai donc suivi mon frère jumeau dans une école hôtelière. C’est comme ça que je suis entré en cuisine, tout simplement. Après, il a fallu du travail, mais surtout une bonne dose de risque. En 2009, avec ma brigade, nous avons réussi à décrocher une étoile au guide Michelin. Une consécration. Pourtant, il ne faut pas forcément être le meilleur techniquement pour réussir. Le succès se joue dans l’humain, au travers de la personnalité. Les agriculteurs doivent développer la notion d’entreprendre.
Sortir du moule
Les agriculteurs ont une carte importante à jouer avec le grand public. Les producteurs en circuits courts l’ont bien compris. Ils ont la pêche ! Ils ont réussi à sortir du moule, à se démarquer. Revers de la médaille, ils travaillent énormément. Il faut savoir parfois déléguer les tâches subalternes et se concentrer sur le savoir-faire du producteur.
Il y a vingt ans, je me fournissais chez Métro, le grossiste des restaurants. Je n’avais pas le temps de sortir de ma cuisine. Puis j’ai rencontré un producteur, et deux, et trois, etc. J’ai appris à tisser des liens particuliers avec chacun d’entre eux. En 2008-2009, notre restaurant proposait tout un menu à partir de produits d’Eure-et-Loir.
Jouer collectif
Aujourd’hui nous publions un livre de recettes (1) et nous proposons des cours de cuisine « spécial terroir ». Bientôt, nous publierons un deuxième livre sur les produits de saison… Pourquoi ça fonctionne ? On s’aide mutuellement. Les producteurs ont passé du temps à élaborer les recettes avec moi. Nous avons fait des efforts pour comprendre le métier de l’autre. Il est nécessaire de ne pas rester dans son monde et de s’ouvrir.
Dans un certain sens, la crise peut avoir des vertus. Elle nous montre qu’il est primordial de jouer collectif. En grandes cultures aussi, il est possible d’innover en se diversifiant, en produisant autrement, en inventant un nouveau conditionnement… L’essentiel est d’aller vers l’autre.
(1) 50 recettes de terroir en Eure-et-Loir, de Laurent Clément, Cuisine d’auteurs, 2016, 25 €.
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