Le jour où... «J’ai accueilli une famille de migrants »
Claire, agricultrice dans le Maine-et-Loire, 61 ans
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«C’était en septembre 2011. Ce jour-là, je suis allée à Angers, chercher Fatna (1) et son bébé de dix mois. Huit jours plus tôt, au téléphone, une amie m’avait parlé de cette jeune femme, originaire du Darfour, qui dormait depuis trois semaines dans la rue. Sa demande de régularisation n’ayant pas abouti, elle avait dû quitter le logement administratif qu’elle occupait. Les services de l’enfance, pourtant prévenus, n’avaient pas pris le relais. Encore aujourd’hui, je ne comprends pas pourquoi. Et en tant que femme, mère et chrétienne, je trouve cela intolérable.
Chez nous, l’accueil est une habitude ! Je suis agricultrice depuis 1984. Dès 1988, nous hébergions une jeune fille, confiée par la DDASS. J’entends régulièrement dire que l’accueil en milieu rural est plus compliqué, plus contraignant, que les migrants eux-mêmes préfèrent rester en ville. C’est une vision simpliste. L’expérience montre combien les familles avec enfants se trouvent en sécurité chez nous. Ici, après trois semaines à la rue, Fatna a trouvé un lieu accueillant et un environnement calme. C’est déjà énorme !
De surprises en surprises
Les premiers temps, elle restait beaucoup à la maison. Et puis, peu à peu, elle est venue dehors, voir ce que je faisais. Elle nous a aidés à ramasser les fruits, à faire nos confitures.
Plus tard, en hiver, elle est venue trier les céréales avec moi, fabriquer la farine et les pains. Elle m’a demandé à conduire le tracteur, ce qu’elle n’avait jamais fait. Qu’est ce qu’on a ri !
Fatna a été surprise quand je lui ai expliqué qu’il était indispensable que nous transformions nos productions pour pouvoir en vivre. Dans son esprit, une ferme de 40 hectares était une grosse ferme ! Elle était étonnée de voir que nous pouvions travailler quasiment toute l’année. Chez elle, la saison des cultures dure trois mois seulement. Après, il n’y a pas d’eau. C’est en échangeant ainsi qu’on se rend compte de la chance incroyable que nous avons.
Fatna et son fils sont restés chez nous un peu plus de six mois. Quand vous accueillez quelqu’un et qu’il repart, vous ne savez jamais si vous aurez des nouvelles. Un jour, j’ai pourtant reçu un coup de fil et, depuis, nous échangeons régulièrement. Elle vit aujourd’hui en Angleterre, où elle a retrouvé son mari et obtenu des papiers. »
(1) Prénom d’emprunt.
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