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« L'alimentation est très corrélée aux évolutions de la société»

Louis Goupilleau, ancien directeur général des chambres d'agriculture, a publié plusieurs essais sur l'alimentation et l'agriculture.

Directeur général honoraire des chambres d’Agriculture et ancien médiateur de la Mutualité sociale agricole, Louis Goupilleau analyse les rapports entre l’agriculture et l’alimentation grâce à plusieurs essais dont ses deux derniers Qu’allons nous manger demain ? (édition du Net) et Les Français mangent mal : à qui la faute ? (édition L’Harmattan).

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Dans vos ouvrages, vous défendez l’idée que l’alimentation précède la production agricole. N’est-ce pas à rebours de la logique habituelle ?

En effet, j’ai été amené à prendre le problème à l’envers. Au cours de ma réflexion, je me suis rendu compte que l’alimentation est très corrélée à la société. Celle-ci évolue. Elle est plus urbaine ; les femmes travaillent ; il y a plus de ménages célibataires, avec ou sans enfant… Ces évolutions changent à leur tour notre façon de nous nourrir. Notre mode de vie guide nos assiettes. La distribution alimentaire s’est adaptée. Désormais, la moindre supérette propose cinq mille références. Et comme l’agriculture produit pour vendre, il est normal qu’elle évolue à son tour.

Dans quel sens l’agriculture évolue-t-elle ?

Sous la pression de la grande distribution, l’agriculture s’est fortement spécialisée pour produire selon des normes bien définies, en quantité et au meilleur coût. Mais en se modernisant, elle s’est fragilisée. Elle a subi une diminution drastique de ses effectifs entraînant, avec la désindustrialisation, la désertification de nos campagnes. En même temps que s’installe un individualisme alimentaire, les Français mangent de tout en toute saison avec un goût prononcé pour les produits exotiques, favorisant ainsi les importations. Le système a non seulement pour effet d’éloigner la nourriture de son origine première mais aussi de créer une forme de distanciation à l’égard de l’agriculture. Et pourtant, le discours est dominé par les notions de naturalité, d’authenticité, de proximité. Mais ce sont surtout les classes moyennes urbaines qui le portent. Dans les faits, les tendances actuelles risquent d’accentuer la méconnaissance des modes de production et d’éloigner encore un peu plus le grand public du monde agricole. D’ailleurs, quand on rend les agriculteurs coupables de ces évolutions, on se trompe : c’est le consommateur qui en est responsable.

Le consommateur est-il un frein à la transition alimentaire ?

Le consommateur lui-même est sous influence. En premier, il n’a pas forcément les moyens financiers d’acheter ce que les pouvoirs publics lui recommandent. Quel sens peut avoir le manger mieux quand on n’a pas assez pour se nourrir sainement ? Je pense aux étudiants, aux travailleurs pauvres, aux personnes seules, etc. Mais le travail loin de chez soi conduit aussi à préférer les plats transformés. Pour beaucoup, l’alimentation est devenue une variable d’ajustement alors que ce devrait être un socle. Nous en payons collectivement le prix en termes de santé et de vieillissement. Le Nutri-Score est une vraie arme pour alerter les acheteurs et pousser les industriels à revoir leurs recettes mais cette situation mériterait une vraie communication ciblée des pouvoirs publics en tenant compte des contraintes du quotidien.

Que peuvent faire les agriculteurs et les agricultrices à leur niveau ?

Les actions individuelles comme les circuits courts ou la vente directe sont une première réponse qui connaît de bonnes réussites mais qui montre aussi ses difficultés. Pour la restauration collective, les projets agricoles territoriaux, qui associent les habitants et les agriculteurs, soulignent les difficultés que posent la saisonnalité de la production et celles liées à la logistique. Les filières longues ont encore de beaux jours devant elles.

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