Question à… Karen Demange, psychologue c La personne ne réalise pas qu’elle est malade, les restrictions étant valorisées
« Notre fille de quinze ans ne veut plus manger de viande, ni de gluten. Elle trie de plus en plus les aliments. Les repas sont devenus source de conflits. Nous craignons que ces troubles alimentaires ne s’installent durablement et qu’elle se désocialise. Comment l’aider ? »
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«De plus en plus de personnes excluent tel ou tel aliment. Mais, à un moment, cette volonté de n’ingérer qu’une nourriture saine devient une obsession et une pathologie, appelée orthorexie. Depuis cinq ans, j’observe une explosion de ce trouble alimentaire dans ma patientèle. Il touche femmes et hommes de toutes les tranches d’âge, qui n’avaient jusqu’alors pas de fragilité particulière.
Aujourd’hui, les gens ont accès à de plus en plus d’informations, chacun a son avis sur l’alimentation. Si, au départ, il y a une volonté de manger correctement, peu à peu, la personne perd la notion de goût. Elle glisse dans un état de malnutrition. La prise en charge de cette pathologie est difficile, car cette sélection d’aliments, qui devient une restriction progressive, est valorisée à la télévision, ou encore sur les réseaux sociaux par les influenceuses. La personne y entre pour des raisons multiples : sociales, sociétales, éthiques, politiques, etc. Et comme l’intention est louable et valorisée socialement, elle a du mal à se dire qu’elle est malade ! C’est une addiction positive, comme peut l’être le sport pratiqué à très haute dose. Cependant, l’individu finit par s’isoler. Il ne mange plus comme sa famille, ni comme ses amis. Quand il commence à vivre cet enfermement c’est souvent là qu’il prend conscience de sa souffrance. À ce moment-là, le trouble est déjà bien installé. L’alimentation est alors devenue un emprisonnement psychologique.
En tant que parents, il ne faut pas rompre le dialogue. On ne parle jamais dans le vide. Même si l’enfant n’écoute pas, il entend. Si nécessaire, déléguez la mission à quelqu’un : oncle, tante, médecin traitant, pédiatre, thérapeute…
En consultation, je pose cette question au patient : « Vous vous restreignez pour aller mieux, mais est-ce vraiment le cas ? » La personne se trouve face à un paradoxe. La thérapie se fait au cas par cas pour comprendre comment ce trouble s’est construit. Mon travail s’articule autour de trois axes : l’alimentation, le comportement et le trouble. »
Propos recueillis par Catherine Yverneau
(1) Consultations par visioconférence : www.troubles-alimentaires.fr
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