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Ce que les syndicats agricoles veulent changer dans la loi d’orientation

Les groupements fonciers agricoles d’investissement n'ont convaincu aucun des syndicats agricoles.

Définition de la souveraineté alimentaire, installation et accès au foncier, le projet de loi d’orientation présenté par le gouvernement fait débat au sein des syndicats agricoles.

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L’ensemble des syndicats agricoles ont été auditionnés devant la commission des affaires économiques présidée par le député Stéphane Travert, préalablement à l’examen du projet de loi d’orientation agricole (LOA).

L’occasion pour les représentants agricoles de pointer les lacunes du projet de loi porté par le gouvernement. Le syndicat majoritaire souhaiterait notamment que puisse être rajouté un titre spécifiquement consacré à la compétitivité. « Ce qui est sur la table aujourd’hui ne nous paraît pas complet. Ce mouvement inédit qui a mobilisé tant d’agriculteurs, ne peut pas se traduire par rien à la fin, pointe Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, auditionné le 10 avril 2024. Dans les dix-neuf articles, nous avons observé des points très précis que nous demandions mais tout cela ne constitue pas une vision stratégique de l’agriculture. »

Arnaud Rousseau est rejoint sur ce point par Stéphane Galais, secrétaire national de la Confédération paysanne, qui a été auditionné le même jour. « Le problème de cette loi, c’est qu’elle manque de vision, elle manque de cap. Elle ne répond pas à la crise et à la colère agricole qui s’est exprimée », estime-t-il.

La notion de souveraineté fait débat

Le 1er article du projet de loi définit l’agriculture comme « d’intérêt général majeur » tant qu’elle garantit « la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ». Une définition loin de faire l’unanimité chez les syndicats agricoles.

« On veut aller dans plus de précision dans la définition en voyant la production sur les territoires et la dynamique des filières », explique Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA. « Il faut aller préciser cet intérêt général majeur dans le code pénal, la protection des zones humides, des forêts et le retrouver dans le code de l’environnement », plaide-t-il.

La Confédération paysanne rappelle que la souveraineté alimentaire en tant que concept a été déposé au niveau international. « C’est le droit des peuples à choisir leur alimentation,  [...] produire leur alimentation. C’est le droit des peuples en étant informé de façon démocratique à accéder à une alimentation de qualité […], a rappelé Stéphane Galais. La LOA détourne la définition de cette souveraineté alimentaire », regrette-t-il.

Le Modef, autionné le 9 avril, demande de son côté que la définition de la souveraineté alimentaire inscrite dans le projet de loi soit remplacée par celle donnée par le mouvement Via Campesina qui est : « La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement respectueuses et durables, et leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. »

La question du foncier

Tous les syndicats se montrent prudents, voire réticents à l’article 12 du projet de loi relatif à la création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI).

« On est très réservé sur l’article 12, confie Luc Smessaert pour la FNSEA. On veut mettre en avant ce qui existe sur les GFA et les GFA mutuels. […] Le fermage est aujourd’hui la meilleure des choses. Il faut mettre des choses sur la fiscalité sur le fermage. »

Du côté de Jeunes Agriculteurs (JA), il aurait été « prématuré » de traiter le sujet du foncier dans la LOA. « Je pense qu’on a trop souvent voulu régler des problèmes par la loi, avant de trouver des solutions », juge Arnaud Gaillot, le président de JA auditionné le 10 avril dernier. L’article 12 ne convainc pas encore le syndicat.

« Le GFAI en l’état actuel ne nous convient pas, nous souhaitons l’améliorer avec des éléments structurants pour rassurer l’ensemble des organisations professionnelles, explique Julien Rouger, vice-président de JA. Il n’y a pas de priorisation à l’installation, pas de garde-fou, ni d’assurance nette et précise que le GFAI est bien soumis à Sempastous et aux différents contrôles de régulation du foncier. » Le syndicat demande une limitation de la taille du GFAI ainsi qu’une garantie que « les exploitants restent prioritaires et aux manettes » dans ces groupements fonciers.

La Confédération paysanne ne soutient pas la création des GFAI, estimant que l’outil ne « garantit pas que les terres financées iront à l’installation » et que l’on va vers une « financiarisation » du foncier. Le Modef considère que les Safer pourraient mieux accompagner les installations avec davantage de portages de foncier si on leur en donne les moyens. « Ce n’est pas 400 millions qu’il faut, c’est de dix à vingt fois plus », a lancé Guénaël Poulmarc’h, membre du comité directeur du syndicat, en parlant du fond Entrepreneurs du vivant destiné à financer des fonds de portage de foncier.

Le passage au guichet unique

L’article 8 du projet de loi d’orientation entérine la création de « France Services Agriculture » (FSA), un guichet unique chargé de l’accueil, de l’orientation et de l’accompagnement des projets d’installation et de transmission agricoles.

Une proposition qui ne convainc pas le Modef qui craint que le pluralisme promis ne soit pas au rendez-vous, tout comme la Confédération paysanne. Cette dernière demande que la gouvernance des chambres d’agriculture soit revue afin que « tous les syndicats puissent siéger » dans les instances des chambres d’agriculture et que la labellisation de toutes les structures d’accompagnement à l’installation soit « garantie ». Le syndicat estime que la loi n’est pas assez précise sur ce point. Il demande de manière plus large que le mode de scrutin des élections professionnelles soit revu à la « proportionnalité intégrale ».

JA milite pour que le passage à ce guichet unique soit obligatoire. « Ce serait dommage que des gens ne passent pas par cette voie qui réunit tous les acteurs à l’installation », juge Arnaud Gaillot. Cette obligation serait un gage de réussite du projet d’installation, selon lui. « On ne peut pas continuer d’installer des gens qui n’ont pas les compétences requises, qui ne sont pas installés dans de bonnes conditions. » Son vice-président Julien Rouger milite aussi pour que le passage au guichet de France Services Agriculture soit obligatoire pour les futurs cédants. « On ne peut pas uniquement compter sur leur bonne volonté, juge-t-il. Il y a besoin de conditionner ce passage au FSA pour que le cédant puisse monter son dossier de retraite à la MSA. »

De son côté, la Coordination rurale avait été auditionnée le 27 mars. Le syndicat avait pointé le fait que le texte de loi ne prend pas assez en considération la question du revenu. Le 9 avril, les trois syndicats minoritaires ont d’ailleurs adressé une lettre ouverte au président de la République pour demander une juste rémunération pour les agriculteurs. Ils estiment que le sujet de la juste rémunération n’apparaît pas dans « les engagements déclinés par le gouvernement ces derniers jours ».

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