Une tradition séculaire Les poyas, cartes de visite de l’alpage suisse
Nées de l’art populaire au XIXe, les poyas, tableaux représentant troupeaux et bergers sur le chemin des alpages, demeurent une tradition vivante dans le canton suisse de Fribourg.
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En patois fribourgeois, vaudois et valaisan, poya signifie le tertre, la colline (du latin podium). Le terme a également le sens de chemin raide et, par extension, il exprime l’action de conduire les animaux à l’alpage. Dès l’origine des peintures de montée à l’alpage, il s’est naturellement appliqué à ces représentations. Le premier de ces tableaux est attribué à Sylvestre Pidoux (1800-1871), originaire de Vuadens (district de la Gruyère). Son œuvre sur bois est apposée, depuis 1835, au-dessus d’une porte de grange de l’ancien domaine religieux de Perrausaz (la Veveyse). La représentation de la vache dans l’art paysan de cette région d’élevage était née.
La poya devient dès lors le symbole, le sacre du troupeau et de sa montée à l’alpage, un des temps les plus forts et joyeux de l’année pour les éleveurs montagnards de la Gruyère. « Elle est le constat, par l’intermédiaire du troupeau, d’un accord réussi entre la terre et le paysan. Un signe de reconnaissance, de remerciement », comme l’explique l’auteur de Frontons et poyas, Alain Glauser. Ces tableaux se mettent à fleurir sur les façades et les portes de granges, sous le pinceau de nombreux peintres passés maîtres du genre, comme Auguste Clavel ou François Oberson.
Des paysans et armaillis (1) se lancent également avec succès dans cet exercice où l’œil averti de l’éleveur excelle, car la poya représente fidèlement le troupeau. Chaque sonnaille suspendue à une courroie de cuir brodé est peinte avec exactitude. La hiérarchie entre armallis, du maître jusqu’à l’apprenti, « le train du chalet », le fameux char transportant les meubles et ustensiles nécessaires à la vie en alpage et à la fabrication du fromage et du beurre, jusqu’au fond du tableau imageant le décor réel du lieu figurent avec précisions sur les poyas. L’œuvre devient dès lors une véritable carte de visite de l’élevage, fier de sa richesse au point de l’exposer.
Ce réalisme confère à ces tableaux une valeur documentaire passionnante, en particulier sur l’évolution du bétail et de sa sélection au fil des décennies. Plus de 800 poyas sont dénombrées sur les frontons ou les portes de granges de la région, reconnues et classées par l’Unesco dans la liste des traditions vivantes de la Suisse.
Monique Roque-Marmeys
(1) Berger d’alpage.
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