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Comment interpréter la colère des agriculteurs de ces derniers mois ?

De gauche à droite : François Purseigle, sociologue, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, Jean-Baptiste Gibert, secrétaire générale de JA Occitanie, et Jonathan Ahovi, pédopsychiatre, et Elisabeth Hersand, animatrice de la table-ronde.

Une table-ronde sur les raisons des mobilisations des agriculteurs qui ont débuté à la fin de l’année 2023 s’est tenue le 6 juin 2024 au congrès de Jeunes agriculteurs (JA). Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a prévenu que les transformations pouvaient prendre du temps.

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Que retenir de la colère exprimée et des actions menées par les agriculteurs depuis la fin de l’année dernière ? Cette question a été posée à plusieurs intervenants, dont le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, au cours d’une table-ronde organisée le 6 juin 2024 lors du cinquante-septième congrès de Jeunes Agriculteurs (JA) dans la Vienne.

« Toutes les filières se sont senties concernées »

Jean-Baptiste Gibert, secrétaire général de JA Occitanie, une région qui a été moteur dans le début des mobilisations, a ouvert les discussions en soulignant que le mouvement a rassemblé non seulement les membres traditionnels des syndicats agricoles, mais aussi de nombreux non-adhérents.

« Toutes les filières se sont senties concernées », a-t-il déclaré tout en notant la présence d’exploitations à la structure historiquement solide, mais qui elles aussi « périclitent ». Le signe d’une crise profonde.

« C’est aussi une crise de compréhension »

Le sociologue François Purseigle décrit, de son côté, « une crise structurelle, polymorphe, dépassant largement la simple question de revenus ». « C’est aussi une crise de compréhension. Les agriculteurs se sentent déconnectés des normes qui ne reflètent plus les réalités du terrain, aggravant leur sentiment d’impuissance », a-t-il ajouté.

Et d’insister sur « le besoin de protection et de cohérence exprimé par les agriculteurs ». « Ils veulent vivre dignement du prix de leurs produits et souhaitent que les normes génèrent de la valeur, rappelle François Purseigle. L’insatisfaction générale, surtout parmi les jeunes, est préoccupante et doit être prise en compte dans les futures politiques agricoles. »

Les transformations nécessitent du temps prévient le ministre

Tout en reconnaissant qu’il est difficile pour un ministre de l’Agriculture de commenter un mouvement de contestation qui s’adresse tout particulièrement à son ministère, Marc Fesneau a évoqué « une colère latente, alimentée par des frustrations envers l’État, les règles européennes, la rémunération et la grande distribution ».

Mais il a aussi prévenu que « la transformation des politiques agricoles nécessite du temps et des efforts constants » alors que « repenser la transmission des exploitations pour qu’elle soutienne les transitions » est une nécessité. « La simplification des normes doit être un effort soutenu et de longue haleine », a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Agriculture a souligné un point positif de cette crise : « la reprise de conscience du citoyen de sa propre responsabilité dans sa relation avec les agriculteurs ».

Des jeunes en colère qui ont besoin de se rassembler

S’il est commun de voir des ministres ou sociologues prendre la parole lors de congrès ou d’évènements de syndicats agricoles, c’est moins le cas de pédopsychiatre. Jonathan Ahovi, praticien dans le Jura, a témoigné de l’aspect psychologique de la colère qu’ont pu exprimer les jeunes agriculteurs.

Une population qui est davantage sensible à l’injustice, selon lui. « Nous voyons des jeunes qui se sentent seuls et en colère », a-t-il observé. Mais en se rassemblant pour l’exprimer, « cette colère peut être constructive, menant à des mouvements qui cherchent à améliorer la situation post-crise ».

Un après crise qui ne sera plus mené par Arnaud Gaillot, désormais ancien président de Jeunes Agriculteurs. À l’occasion de ce congrès électif, c’est Pierrick Horel, éleveur bio dans les Alpes-de-Haute-Provence qui a été élu président après avoir été quatre ans secrétaire général adjoint puis secrétaire général.

Pierrick Horel vient d'être élu président du syndicat agricole Jeunes Agriculteurs. (©  Alexis Marcotte)

Un syndicat « challengé »

Son mandat de deux ans aura pour point d’orgue les prochaines élections des représentants aux chambres d’agriculture qui se dérouleront en janvier 2025. Pierrick Horel est conscient que son syndicat, qui continuera à présenter des listes communes avec la FNSEA, est « challengé par d’autres syndicats qui émergent ».

Comme le précisait la veille Arnaud Gaillot dans son dernier discours en tant que président, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le cinquante-septième congrès de Jeunes Agriculteurs se déroulait dans la Vienne. Lors de dernière élection de 2019, c’est la Coordination rurale qui était arrivée en tête dans ce département.

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