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Intrants chimiques Au Sri Lanka, la fin des illusions du tout bio

En avril 2021, le pays prenait la voie de l’agriculture biologique à 100 %. Six mois plus tard, il a rétropédalé.

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Très fièrement, au printemps 2021, le président Gotabaya Rajapaksa avait annoncé au monde que le Sri Lanka serait le premier pays à passer à l’agriculture 100 % biologique. Sa décision d’interdire l’importation de pesticides et d’engrais chimiques, prise du jour au lendemain de manière unilatérale, a semé la panique chez les agriculteurs, qui représentent près d’un tiers des 21 millions d’habitants du pays. Cela, malgré la promesse que « les inconvénients à court terme seraient compensés par les avantages à long terme » et que des intrants biologiques de substitution seraient fournis par l’État.

 

Six mois plus tard, le pays fait marche arrière alors que, d’après un sondage de l’institut sri-lankais Verité Research de juillet 2021, les deux tiers des agriculteurs interrogés soutenaient le passage au bio. Mais ils disaient très clairement avoir besoin de temps, au moins plusieurs années pour y parvenir, car ils estimaient qu’ils n’avaient reçu ni la formation, ni les outils pour réussir la transition.

La sécurité alimentaire en jeu

La pression de la rue, la peur du manque, les premières baisses de rendement et le risque de pertes de devises sur l’export ont eu raison de cette réforme. Dans ce petit pays pauvre, où la sécurité alimentaire n’est pas acquise, cette révolution culturale présente un risque majeur. Les premiers effets se sont fait sentir sur la production de riz, aliment de base, ainsi que sur les légumes.

 

Début décembre, alors que de nombreux paysans manifestaient, Udith Jayasinghe, le secrétaire du ministre de l’Agriculture, déclarait à la chaîne de télévision privée News First : « Compte tenu de la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire, nous autoriserons désormais les intrants chimiques dont le besoin est urgent. »

L’industrie du thé déstabilisée

Sur les productions à l’export, principalement le thé, fleuron de l’agriculture, la menace est grande. Le pays est le quatrième producteur mondial, avec plus de 300 000 t par an. Les fameux thés de Ceylan font vivre une large partie de la population agricole, près de 3 millions de personnes. Ils contribuent à l’équilibre économique avec plus de 1,25 milliard de dollars d’exportations par an.

 

Le maître du thé de Ceylan, Herman Gunaratne, dans sa plantation de « Virgin White », l’un des thés les plus chers au monde, déclarait à l’AFP le 6 août 2022 : « L’interdiction inattendue de produits phytosanitaires a plongé l’industrie du thé dans le désarroi. Si nous passons au tout biologique, nous perdrons 50 % de la récolte et les prix eux n’augmenteront pas de 50 %. Les conséquences sont invraisemblables. »

 

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