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En direct de Washington par Jean-Christo En direct de Washington par Jean-Christophe Debar

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Dans le Montana, au nord-ouest des États-Unis, une association à but non lucratif, l’American Prairie Reserve, veut créer la plus grande réserve naturelle du pays sur 1,3 million d’hectares. La majeure partie de cette surface sera constituée de terres du domaine public. Le reste, 200 000 hectares, proviendra de propriétés achetées à des particuliers, essentiellement des éleveurs de bovins. Bien que minoritaires dans le schéma d’ensemble, les terrains privés auront la fonction cruciale de connecter les terres publiques, aujourd’hui morcelées, afin de créer des corridors écologiques permettant une libre circulation de la faune. L’objectif de l’American Prairie Reserve est, en effet, de « réensauvager » cette partie des Grandes Plaines pour y introduire des bisons, loups, ours, etc. qui y vivaient avant l’arrivée des colons européens. Depuis 2004, elle a acquis une trentaine de ranchs, couvrant environ 170 000 hectares. Il lui manque donc encore environ 30 000 hectares pour parvenir à ses fins. Et son avancée fait grincer les dents des éleveurs, qui se voient de plus en plus marginalisés.

Il faut dire que beaucoup de propriétés agricoles sont à vendre dans le Montana, à cause du déclin de l’élevage bovin. Depuis 2000, la consommation de viande bovine par personne aux États-Unis a diminué de 16 %. La croissance démographique et l’augmentation des exportations n’ont pas entièrement compensé la baisse de la demande individuelle. Peu de jeunes agriculteurs ont l’envie ou la capacité de reprendre les ranchs.

Les sponsors de la réserve naturelle, eux, sont riches. Son fondateur a fait fortune dans la Silicon Valley. Les plus gros donateurs sont des héritiers de la famille Mars et des magnats de la finance, du pétrole et du gaz. La plupart d’entre eux n’ont cure de l’élevage : ils rêvent de paysages grandioses, de pêche et de chasse. Et ils ont noué une étrange alliance avec des tribus indiennes, ravies que des hordes de bisons sauvages puissent, à terme, remplacer les vaches. Pour de multiples raisons, historiques, géographiques et culturelles, le concept de réensauvagement n’a pas la même valeur en Europe, mais il gagne du terrain. Déprise rurale, d’un côté, engouement pour la biodiversité, de l’autre : qui jurerait que, portés par l’« agribashing », quelques milliardaires, de ce côté-ci de l’Atlantique, n’auront pas un jour l’idée de créer de vastes réserves naturelles, en rachetant des fermes à la dérive ?

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