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Foncier Quatre questions sur les investisseurs de la terre

Des investisseurs dans le foncier agricole anticipent dans les années à venir, une hausse de la demande alimentaire mondiale.

Amorcée dans les années 1990 aux États-Unis, la prise de contrôle de foncier agricole par des acteurs financiers n’a cessé de se développer. La France n’est pas en reste.

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Un rapport du Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture daté de février 2022 dresse un panorama de la prise de contrôle de terres agricoles par des acteurs financiers à l’échelle mondiale. Un phénomène qui touche aussi l’Hexagone.

  1. Qui sont-ils ?

    Les « investisseurs institutionnels » sont les principaux acteurs identifiés par les auteurs du rapport. Ils regroupent les fonds de pension, d’investissement, de couverture et les grandes fortunes individuelles. « À titre d’illustration, au niveau mondial, le nombre de fonds spécialisés dans le foncier agricole est passé, entre 2005 et 2017, de 38 à 436, pour un total d’investissements de 73 milliards de dollars », précise l’étude. Leur objectif est de « profiter des perspectives favorables d’évolution du foncier et des produits agricoles, de diversifier leurs portefeuilles d’investissement et de se prémunir contre le risque d’inflation ».

    Viennent ensuite les « entrepreneurs ruraux ». Ils se situent « à la frontière entre agriculteurs et investisseurs ». Il s’agit d’agriculteurs qui ont pu en s’associant notamment avec des apporteurs de capitaux étendre leur exploitation et en acheter d’autres.

    Et pour compléter le podium, des acteurs venant d’un seul pays : la Chine. Leurs motivations sont similaires à celles des investisseurs institutionnels à la différence qu’ils reçoivent l’appui de leur gouvernement dans un objectif de sécurité alimentaire. « La plateforme Land Matrix, qui recense les transactions foncières à grande échelle (acquisition ou location) opérées dans le monde depuis 2000, estime que les Chinois maîtrisent 16 millions d’hectares (probablement sous-estimé) », estime l’étude du CEP.

    Une quatrième catégorie d’investisseurs est identifiée par les auteurs. Il s’agit des « firmes de l’agrobusiness ». « Inscrites dans des logiques d’intégration verticale, elles cherchent à maîtriser leurs approvisionnements et à les planifier en anticipant le niveau des récoltes dans les principaux bassins de production du monde. Cette information est ensuite valorisée sur les marchés à terme de matières premières agricoles (prises de participation, conseil en placement, etc.). »

    Les épargnants individuels viennent clôturer ce panorama. En Nouvelle-Zélande qui est l’une des régions du monde observée à la loupe par le rapport, « il s’agit de personnes aidées (cadre du secteur financier, professions libérales) souhaitant faire fructifier leur épargne au travers d’investissements d’envergure limitée et peu risqués ».

  2. Quelles sont leurs stratégies ?

    Dans une stratégie d’achat-location, comme son nom l’indique, l’investisseur ne participe à la production agricole. « Il se rémunère par les fermages et la plus-value foncière éventuellement réalisable au moment de la revente. » Peu risquée compte tenu du peu de variation des fermages d’une année à l’autre, cette stratégie a une rentabilité limitée.

    Une des voies pour augmenter la rentabilité est d’acheter des terres insuffisamment mises en valeur et de les revendre après avoir réalisé des travaux d’améliorations (drainage, irrigation ou remembrement). La rentabilité se trouve alors dans l’accroissement de la valeur du foncier grâce aux transformations réalisées.

    Des investisseurs font aussi le choix d’une stratégie « d’achat-production » via des sociétés de gestion d’actifs généralement : un investissement visant l’exploitation en faire-valoir direct et naturellement plus risqué car lié à la production agricole. La dernière des stratégies identifiée par le rapport concerne le recours à des entreprises de travaux agricoles par des investisseurs. Un phénomène très présent en Uruguay notamment.

  3. Quelles évolutions ?

    Amorcée dans les années 1990 aux États-Unis, la prise de contrôle de foncier agricole par des acteurs financiers s’est développée avec la crise financière de 2008 et la flambée des prix agricoles qui a suivi, selon le rapport. « Dès lors, le phénomène s’amplifie et s’internationalise, avant semble-t-il de marquer le pas au milieu des années 2010. »

    Un ralentissement qui s’explique notamment par une régulation mise en place par les États. C’est le cas notamment de la Nouvelle-Zélande. « L’accès au foncier par des investisseurs étrangers a été réduit à plusieurs reprises, ces derniers devant désormais démontrer que leur projet engendrera des bénéfices « substantiels et identifiables » pour le pays ». Un protectionnisme rencontré aussi dans la province couverte de prairies du Saskatchewan au Canada où « l’acquisition de foncier agricole par des fonds de pension ou des sociétés anonymes de plus de dix personnes est interdite depuis 2015 ». Aux États-Unis, des élus américains réfléchissent à une législation fédérale plus protectionniste pour l’acquisition de terres ou d’actifs agricoles par des étrangers.

    Cela n’empêche pas des investisseurs de continuer à intervenir sur le marché foncier. « Nombre d’investisseurs anticipent, pour les décennies à venir, à la fois une hausse de la demande alimentaire mondiale (sous l’effet notamment de l’accroissement démographique) et des tensions du côté de l’offre (du fait entre autres du changement climatique). Dans ces conditions, le foncier agricole constitue pour eux un actif financier durablement rentable et sûr », selon les auteurs de l’étude.

  4. Et en France ?

    Si des opérateurs français investissent dans le foncier à l’étranger comme le démontre ce diagramme accessible sur le site Land Matrix, c’est aussi le cas en France où l’acquisition de 1 750 hectares dans l’Indre en 2015 et de 900 hectares dans l’Allier en 2017 par un consortium d’investisseurs chinois avait fait grand bruit.

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