De la prison aux champs
Faute d’une main-d’œuvre qualifiée et disponible, deux agriculteurs ont employé des détenus pour trier leurs pommes de terre le temps d’un été. Une première pour ce projet intitulé « patates ».
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« C’était un test, ça passe ou ça casse, et c’est passé. » Cinq détenus du centre de détention de Châteaudun, dans l'Eure-et-Loir, ont obtenu des permissions de sortir journalières pour prêter mains fortes à deux agriculteurs. Du 31 juillet au 26 août 2023, ils ont ramassé et trié, sept heures durant, les pommes de terre de Damien Chateignier et de Thibault Gueugnier.
Un « projet patates gagnant-gagnant »
« C’est toujours un peu compliqué de recruter des saisonniers et la chaleur de cet été n’a pas aidé, relate l’un des deux exploitants agricoles. Alors quand on a su qu’on pouvait trouver de la main-d’œuvre autrement, on s’est dit : “Pourquoi pas ? Allons-y !” » C’est ainsi qu’a débuté le « projet patates » à la ferme de Champ Romain, à Thiville.
A l'initiative de Maxime Michel, le chef d’établissement du centre de détention de Châteaudun, ce « dispositif novateur est gagnant-gagnant, estime Abdelkader Kourak, le directeur adjoint. D’un côté, il donne la possibilité aux détenus de faire leurs preuves en dehors des murs de la prison, de favoriser leur intégration professionnelle ; et de l’autre, il fournit une main-d’œuvre motivée et active. »
Une expérience à renouveler
Dans la peau de saisonniers agricoles, les cinq hommes âgés de vingt à soixante ans ont donc passé un mois sur l’arracheuse, tous les jours de 14 heures à 21 heures. « Il faut avoir le rythme avec la machine, raconte Thibault Gueugnier. On se rend bien compte qu’ils n’ont pas travaillé depuis longtemps ou que c’est une première expérience professionnelle. Ils mettent plus de temps, il faut être davantage vigilants et attentifs. Ce n’est pas facile pour eux. »
Pour participer à ce projet, les cinq travailleurs ont dû être sélectionnés. « Il y a eu un casting au-delà de leur profil pénal, reprend Abdelkader Kourak. Il fallait de “bons détenus”. Certains avaient une appétence pour le travail de la terre grâce à l’activité potagère mise en place au Centre. Un des cinq détenus a même rapporté une pomme de terre de la ferme de Thiville pour la replanter ici. »
Au total, « le bilan est globalement positif, conclut Thibault Gueugnier. Il y avait une bonne ambiance, même s’ils n’étaient pas là pour s’amuser. On sent que c’est valorisant pour eux. Nous, on a eu de l’aide et l’impression de faire une partie de notre devoir citoyen. » Et même s’il y a des « choses à améliorer » dans l’organisation, les deux agriculteurs sont partants pour renouveler l’expérience.
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