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Un trompette du roi au temps des mousquetaires

Le trompette était un cavalier désigné pour exécuter des sonneries militaires. Gravure de Jacques de Gheyn, 1640.

Un instrumentiste de Louis XIII envoyé sur le front de l'Artois est tué d'un coup de feu accidentel dans le village sans histoire de Maffliers.

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A Maffliers dans le Val-d’Oise, Adam Bobye paraissait un aubergiste sans histoire (1). Pourtant, le 23 mai 1641, c’est dans son hôtellerie-auberge que se produit un homicide accidentel qui défraie la chronique. Il est environ minuit lorsque des cavaliers du roi Louis XIII envoyés sur le front de l’Artois — la France était alors en guerre contre l’Espagne — décident de loger au village. Conduits par le maréchal des logis, plusieurs soldats s’arrêtent passer la nuit chez Bobye. Trois d’entre eux devisent ensemble, parmi lesquels le trompette de la troupe, âgé d’une cinquantaine d’années, les cheveux châtains et la barbe grisonnante.

L’homme suspend son chapeau noir, son épée à baudrier de chamois doublé de cuir rouge et son instrument de fonction, une trompette, à gros cordon bleu et orange. Sa tenue multicolore détonne par rapport au drap noir qui habille la plupart des villageois. Notre trompette, aux bottes salies par le voyage, arbore un haut de chausses à bas rouges, un pourpoint de chamois à passements orange et bleu, doublé de toile blanche, et porte un corps à basques doublées de serge bleue. Ses compagnons ont déposé leurs armes sur la table de l’hôtellerie où Adam Bobye, Germaine Provins, sa femme, et leur fille Jeanne assurent le service.

Sans avoir le temps de s’écrier, le trompette était mort, foudroyé.

Brutalement, un coup de feu part, tuant sur le coup le trompette, frappé à la tête au-dessus de l’oreille droite. Qui donc avait tiré ? C’était François Prévost, dit Saint-Rémy, un tout jeune cavalier, de 18 à 19 ans, natif de Vire, en Normandie. Il était en très bons termes avec le trompette de la compagnie. Même s’ils ne se connaissaient que de la veille, « ils s’étaient fait grand caresse et n’avoient eu aucunes paroles ni querelle ensemble ». Seulement Saint-Rémy avait pris l’un des pistolets laissés sur la table pour vérifier s’il « était bandé et en bon repos » avant de faire de même pour le sien. L’arme, qui appartenait à un autre cavalier, était prête à tirer et l’ingénu, sans même toucher au déclic, avait fait partir le coup de feu malgré lui. Sans avoir le temps de s’écrier, le trompette était mort à l’instant, foudroyé.

Devant un tel drame, on vient réveiller le lieutenant de justice entre deux et trois heures du matin. Sous sa plume, l’hôtellerie de Bobye devient un théâtre d’informations sans pareille sur une compagnie de cavalerie sous Louis XIII, à l’époque des « Trois Mousquetaires ». Les circonstances l’obligent à ne rien laisser dans l’ombre. L’enquête se poursuit donc sur la mort du malheureux trompette. Il avait une petite valise à côté de lui.

Ouverture faite par le maréchal des logis, on y découvre le rechange et les compléments nécessaires au cavalier : « Un bonnet à l’anglaise, couleur de gris de souris, bordé et enrichi de passements bleu et orange » — la couleur de rigueur chez ce trompette — une chemise de toile blanche et une paire de souliers qu’il emportait pour un autre cavalier de sa compagnie, un étui avec un petit cachet d’argent et un petit cadenas. Et enfin, une autre chemise, neuve celle-ci, dans laquelle s’est trouvée, enveloppée dans un papier, quatre petits rubans à dentelle, une coiffe, trois mouchoirs et cinq paires de manchettes. Ce n’était peut-être pas la livrée des mousquetaires du roi, mais la tenue avait du panache.

A n'en pas douter, Bobye et Marlin, les deux hôteliers-aubergistes du village, en garderaient longtemps la trace dans leur mémoire.

(1) Lire les chroniques historiques du 1er mars (page 86) et du 5 avril 2024 (page 74).

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