Le cabaret au village, lieu privilégié des échanges
Les auberges servent de cadre à de multiples activités : débit de boissons, restauration, nuitées, conclusion des marchés, recherche d’informations, fourrière…
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Combien d’aubergistes et de cabaretiers ouvraient taverne au village ? Plus de cent mille peut-être, en France sous l’Ancien Régime. Distributeur de vin rouge ou de bière, et lieu d’accueil de la sociabilité masculine, ouvert en toutes saisons et même le dimanche, le cabaret suscitait l’ire des autorités religieuses. On pouvait y échapper à la messe dominicale et aux vêpres, même si le curé tonnait en chaire contre cette atteinte à l’ordre moral.
Un lieu pour conclure des affaires
Aller à l’auberge présentait aussi des avantages matériels. C’est chez le tavernier, ou plutôt dans sa cour que se passaient les marchés avant d’aller les conclure devant une bouteille de vin. Un dimanche de septembre 1641, Thomas Crespin, un manouvrier analphabète de Maffliers (Val-d’Oise), est chargé par son frère Louis, véritable traîne-misère, de vendre leur petite production de pêches.
Il rencontre, chez Bobye, l’un des taverniers du village, Mathurin Guérard, l’un des marchands fruitiers, et lui demande : « Combien veux-tu m’en donner ? » — « Quarante sols », déclare le marchand. — « Impossible, mon frère en veut soixante ! » Finalement, le marché est conclu à cinquante sols dans la cour de l’aubergiste.
Un rôle de bureau d’informations et de poste de police
Ces lieux publics avaient bien d’autres fonctions. Destinés à accueillir des clients de passage, à la table ou au lit, les deux hôteliers-cabaretiers du village disposaient de place pour le public, d’écuries pour les chevaux et même d’étables pour les autres animaux. Lorsque l’huissier venait effectuer quelques saisies, c’est chez eux qu’ils se dirigeaient en premier. C’était « chez Bobye » ou « Chez Marlin », pour reprendre les deux enseignes de Maffliers en activité autour de 1640, qu’il apprenait les dernières nouvelles et profitait des commérages. Au village, les auberges tenaient le rôle de bureau d’informations et de poste de police.
Les sergents du seigneur ne s’y trompaient pas : en début ou en fin de service, ils venaient s’attabler. En cours de journée, ils arrivaient avec les bestiaux saisis en infraction. Un petit marchand de bois reçoit-il une sentence de saisie sur le cheval noir qu’il n’a pas fini de payer ? C’est « en l’hostel et taverne d’Adam Bobye » que le garde Jean Fosse vient le mettre en fourrière en janvier 1640. Six mois plus tard, c’est toujours chez Adam Bobye, que le garde-bois vient attacher les six moutons « égarés » de deux fermiers. Le lendemain, les contrevenants supplient le tenancier de leur permettre de les visiter pour reconnaître leurs « marques » et payer les frais de justice.
L’établissement fait office de « fourrière ». En octobre 1651, c’est chez Marlin qu’un commissaire fait mettre les chevaux et charrette qu’il a confisqués. Sept ans plus tard, c’est encore chez lui que le redoutable Guillaume Lesguiller donne en garde les bestiaux saisis sur un gros laboureur, Nicolas Bucquet, pour une dette qu’il n’avait pas entièrement réglée. Pour retirer un « exploit » de saisie effectué par un sergent, c’est encore chez Marlin que se rend, à pareille époque, Jean Guillaume, marchand-fruitier à Maffliers. Le cabaret n’était pas qu'un débit de boissons : il servait aussi de fourrière pour les animaux des délinquants.
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