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La Belle Époque des cartes postales

Semence de blés et labourage en Auvergne, sur une carte postale colorisée aux environs de 1904.

La première décennie du XXe siècle est friande de photographies rurales, portées par la libération des espaces sur les cartes postales et la demande des éditeurs.

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Voici la Belle-Époque des photos et des cartes postales. Le XXe siècle arrivé, les photographies se multiplient et se démocratisent. Familles, villages, communautés rurales affichent des visages, des univers de vie, des scènes collectives comme jamais auparavant. Du monde des campagnes, visuels et représentations se généralisent. Même si le cliché du photographe est toujours un événement, partout il est attendu.

La correspondance des Français, qui savent mieux écrire sous la IIIe République, entre dans son âge d’or, facilitée par la réglementation : en novembre 1903, l’administration des Postes libère le verso des cartes au photographe, en divisant le recto en deux parties, à droite pour l’adresse et à gauche pour la correspondance. La révolution de la carte postale incite le public à développer des photos au même format — les « cartes-photos » —, qui alimentent un marché exponentiel de 1905 à 1914.

Au même moment les commandes auprès des photographes professionnels affluent pour répondre aux attentes d’ouvrages d’histoire et de géographie diffusés dans les écoles, des revues spécialisées que lisent surtout les propriétaires urbains et les magazines illustrés qui touchent un public encore plus large, comme L’Illustration. Des particuliers aisés, épris du nouvel art graphique, transportent de lourds appareils avec plaques de verre dans leurs lieux de villégiature, souvent les campagnes où ils sont nés : de l’Yonne au Cantal, des images très localisées du monde rural entrent ainsi dans les collections familiales. Les progrès de la technique et de l’industrie photographique rencontrent les attentes d’un public diversifié. La photographie est entrée dans les usages et ses vertus sont une aubaine lors des quatre années de séparation qu’inflige la guerre de 1914-1918.

Le traitement reste inégal au détriment des situations banales, moins prisées que ce qui est susceptible de frapper l’observateur.

La généralisation des clichés ne veut pas dire représentativité parfaite. Géographiquement, les grosses communes rurales, et notamment celles qui se couvrent de résidences secondaires dans l’orbite des grandes villes, sont visitées davantage que les hameaux et les écarts des communes rurales. Par ailleurs, le traitement reste inégal selon l’image socioculturelle que l’on veut diffuser : la banalité des situations — du moins apparente — est moins prisée que ce qui est susceptible de frapper l’observateur. Selon les commandes et les besoins, le photographe recherche le pittoresque, le traditionnel, voire l’archaïque et l’anachronique pour réaliser des scènes de genre. Les démonstrations collectives comme les défilés, les processions religieuses, les manifestations sont mises en avant ; pour l’école comme pour le mariage, le photographe installe des estrades avant de figer des instantanés conventionnels.

Dans ces approches redondantes, les conditions matérielles de la prise de vues sont aussi déterminantes : la lourdeur de l’équipement et la nécessité de disposer d’une bonne source d’éclairage privilégient les sujets immobiles, rassemblés souvent dans les longues journées d’été. Les scènes du soir ou de la vie nocturne, les intérieurs paysans, le travail quotidien dans l’univers domestique ne se laissent pas aisément photographier. Véritable bénédiction documentaire, la photographie de la Belle Époque est parfois un trompe-l’œil.

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