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Payer le propriétaire Le jour de Noël : paysans, chapeau bas !

Le jour de Noël, date de nombreux versements aux propriétaires, a longtemps marqué la dépendance des paysans à l’égard des puissants.

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Dans son roman Jacquou le Croquant, Eugène Le Roy met en scène ces « paysans craintifs » qui, lors de la messe de minuit 1815, regardent « de côté » la famille du vieux comte de Nansac, arrivée en procession pour prendre place dans le chœur de l’église. De fait, le jour de Noël a longtemps­ marqué la dépendance des paysans à l’égard des puissants. Traditionnellement, dans bien des régions françaises, cette date était le terme de nombreux versements auprès des propriétaires, des créanciers ou des seigneurs.

S’acquitter du loyer

En 1635, dans le village de Maffliers (Val-d’Oise), au nord-est de la plaine de France, Nicolas Delacourt et Anne Ferry souhaitent renouveler le bail de la ferme seigneuriale. Le 20 décembre, il se rendent à Paris chez le notaire de leurs propriétaires, Marc Le Boullanger et Pierre Pastoureau, président et conseiller au Parlement, qui consentent une prorogation de sept ans. Jusqu’en 1642, les fermiers devront à leurs bailleurs un loyer de 6 000 livres - à la hauteur des 130 ha de l’exploitation - payables en « trois termes et trois paiements égaux, qui seront Noël, Pentecôte et Saint-Rémy (1er octobre) ». Cinquante ans plus tard, à Livilliers, en Vexin français cette fois, l’un des fils de Nicolas, Pierre Delacourt, l’aîné, marie son fils Martin. Le contrat de mariage est passé le 14 août 1681. Entre-temps le vent a tourné et le père ne peut installer son fils qu’en taillant sur la ferme qu’il loue déjà au prince de Conti, une exploitation d’une seule charrue à deux chevaux, soit une petite vingtaine d’hectares. Cependant, le calendrier des paiements n’a pas bougé.

À 700 km de là, en Gévaudan, Noël offre aussi une date butoir pour solder de nombreuses dettes. Dans la paroisse d’Estables (Lozère), au sud de la Margeride, Magloire a 128 débiteurs depuis 1758. En 1759, il décide de rentrer au plus vite dans ses avances pour acheter une terre. « Pierre Cumilant devait me payer les 41 livres qu’il me doit à Pâques 1759, et je lui accordai dans le temps beaucoup de délai pour le paiement à cause qu’il a été longtemps malade et aujourd’hui même je lui ai encore donné du temps jusqu’à la fête de Noël, m’ayant assuré qu’il me paierait pour lors, étant à même de marier sa fille. »

Certaines redevances seigneuriales devaient se régler aussi le jour de la Nativité. Aux limites de l’Alsace et de la Lorraine actuelles, le comté de Nassau-Sarrewerden subissait un lourd régime seigneurial. Le 25 décembre 1721, des centaines de paysans refusent, par un violent soulèvement antiseigneurial, de régler « le terme de Noël » . Le 1er février suivant, cinq à six cents révoltés investissent le château de Lorentzen (Bas-Rhin), qui abrite la garnison chargée de faire respecter les droits. La foule se retire sans violence mais des incidents éclatent ensuite dans les villages d’Eywiller et de Burbach (Bas-Rhin).

Jean-Marc Moriceau, Pôle rural, MRSH-Caen

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