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Une transition peu concluante vers le « sans glyphosate »

L’arrêt du glyphosate s’est révélé coûteux et chronophage pour Emmanuel Bertrand.

Cherchant à limiter les interventions phytosanitaires, Emmanuel Bertrand a testé l’arrêt du glyphosate pendant deux campagnes avant de revenir en arrière.

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Emmanuel Bertrand, polyculteur-éleveur à Champsecret (Orne), s’est engagé en 2019 dans le dispositif « Transition Glyphosate ». Soutenu par la Région Normandie, l’arrêt du glyphosate s’est révélé incompatible avec sa stratégie. Confronté à un salissement de ses parcelles, cet agriculteur a accru son IFT (indicateur de fréquence de traitement) mettant en péril sa certification HVE (haute valeur environnementale). Aujourd’hui, il a préféré reprendre l’utilisation du glyphosate.

Une volonté de réduction de l’IFT

« Engagé dans le groupe culture de la chambre d’agriculture depuis vingt ans, je cherche à réduire l’usage des produits phytosanitaires sur mon exploitation, explique Emmanuel Bertrand. M’engager dans le dispositif “Transition Glyphosate” m’a paru logique. Mon parcellaire étant propre, je ne pensais pas que le glyphosate était indispensable. » Le dispositif qui a concerné 37 exploitations normandes incluait deux formations et un accompagnement individuel obligatoire ainsi qu’un financement de 80 euros par hectare.

Le salissement par le ray grass a été le principal problème posé par l’arrêt du glyphosate. ( ©  Claire Guyon-Maite)

« J’utilisais le glyphosate en interculture entre le colza et le blé, détaille l’agriculteur. Cette intervention après un déchaumage visait avant tout à gérer les rumex. J’intervenais ainsi tous les 3 ou 4 ans, voire plus en cas de salissement au printemps après un ray-grass en dérobée avant maïs. »

Le ray-grass a pris le dessus

Pour accompagner l’arrêt du glyphosate, il a allongé sa rotation initiale blé-colza-blé-maïs avec des prairies temporaires et un colza supplémentaire. « La première année s’est très bien passée, souligne Emmanuel Bertrand. Au cours de la deuxième année, j’ai été confronté à un salissement que je n’avais pas anticipé. Une pluviométrie plus importante a permis au ray-grass de prendre une place importante dans les blés. La perte de rendement s’est élevée à 20 % en moyenne avec un maximum de 30 % sur une parcelle que j’ai fait expertiser. J’ai aussi eu des problèmes avec cette adventice dans les maïs. Quand j’ai constaté leur importance au printemps, je n’avais plus guère de solutions efficaces. »

« En 2022, je suis intervenu avec des pleines doses d’herbicides, ce que je ne faisais jamais. »

Emmanuel Bertrand a dû multiplier les interventions. Dans ses maïs, il a réalisé un passage de herse étrille, un désherbant puis un binage. Cela lui a seulement permis de maîtriser les mauvaises herbes qui n’étaient pas trop implantées. « En 2022, je suis intervenu avec des pleines doses d’herbicides, ce que je ne faisais jamais, confie-t-il. J’ai réussi à maintenir ma certification HVE in extremis en supprimant d’autres interventions. »

Au bilan, « les pertes de rendement ont largement consommé l’aide régionale de 80 euros par hectare », constate Vincent Six, le conseiller à la chambre d’agriculture qui a accompagné Emmanuel Bertrand. Ce dernier indique : « J’utilise à nouveau le glyphosate après le colza depuis 2022. » Il a néanmoins conservé certaines pratiques en réalisant deux déchaumages entre colza et blé. Vincent Six appelle toutefois à la vigilance : « Dans certains cas, le déchaumage peut ne pas être efficace, voire être contreproductif, si l’on ne gère pas les adventices que l’on fait germer. »

Des travaux supplémentaires

Le conseiller conclut : « Si c’était si facile, on se passerait du glyphosate depuis longtemps. Dans une exploitation comme celle-ci, la main-d’œuvre est un facteur limitant. Outre l’impact économique, l’arrêt du glyphosate a généré des travaux supplémentaires. La majorité des exploitants engagés dans le dispositif a rencontré les mêmes difficultés. Leurs parcelles se sont salies ou ils ont dû augmenter leurs interventions. Pour s’en sortir, il faut une situation propre et il n’y a pas de droit à l’erreur. Il importe que l’exploitant ait une certaine souplesse dans l’équipement et la capacité à intervenir. » Emmanuel Bertrand insiste également sur l’importance d’une bonne connaissance de la flore présente sur l’exploitation et de ne pas se laisser déborder.

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