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Une bûcheuse au pays du Sainte-Maure-de-Touraine

Camille Fontaine est seule à la tête de son exploitation les Capri’scieuses, mais elle sait se faire accompagner.

Éleveuse épanouie, Camille Fontaine jongle entre les remboursements du nouveau bâtiment, la fabrication des fromages et trois jeunes enfants.

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Installée à Sainte-Maure-de-Touraine en production caprine depuis six ans, Camille Fontaine garde le sourire malgré un rythme de travail soutenu. Elle jongle entre ses 250 chèvres alpines et sa vie de famille, dont trois filles d’un an, de deux ans et de six ans. Chaque matin, elle court partout entre 6h00 et 8h30 chaque matin : de la salle de traite et la fromagerie, jusqu’aux chambres des filles et leur nourrice.

Transmission en douceur

Seule à la tête de l’exploitation les « Capri’scieuses », en référence au sainte-maure de Touraine en forme de bûche, elle transforme la majorité de son lait en fromage sous AOP (appellation d’origine protégée). Non issue du milieu agricole, son installation s’est très bien déroulée grâce à un tuilage de deux ans avec les cédants, qui avaient conservé la partie céréalière. « Nous avons rédigé un protocole d’installation pour 2021 en détaillant toutes les éventualités chez le notaire. Nous nous sommes très bien entendus, ils m’ont beaucoup aidée. La transmission s’est faite en douceur, et sans aucune pression, c’était très appréciable », se souvient la jeune femme de 35 ans.

Camille Fontaine produit 380 fromages de Saint-Maure-de-Touraine par jour. Ils sont prêts au bout de 10 jours d’affinage. (©  Aude Richard)

En 2021, elle possédait 130 chèvres. Grâce à la renommée du fromage à la paille gravée, les débouchés sont au rendez-vous, aussi bien chez les grossistes (45 %) qu’à la ferme (15 %). En moyenne, l’appellation connaît une reprise pour quatre départs, il y a donc de la place pour les candidats. « Je manquais tout le temps de fromages et mon mari Judicaël souhaitait s’installer avec moi sur la ferme. Il est devenu salarié et nous avons construit un nouveau bâtiment pour 250 chèvres, car les anciens étaient vétustes », explique Camille. À partir de cette décision, les difficultés commencent.

Explosion des coûts

Camille investit 450 000 euros dans un bâtiment et une salle de traite. Les coûts ont largement augmenté par rapport à ses prévisions. « Avant, une place en chèvre coûtait environ 1 000 €. Aujourd’hui, il faut compter dans les 1 800 € », explique l’éleveuse. Avec son mari, maçon de formation, ils font le terrassement. Malheureusement en 2023, la pluie ne cesse de tomber, il faut injecter 35 000 euros supplémentaires. À l’emprunt sur 25 ans avec un taux à 4,5 %, s’ajoute une mauvaise moisson en 2024 des 55 ha de céréales, avec un chiffre d’affaires passant de 82 000 € en 2023 à 30 000 € en 2024. « Nous avions beau vendre beaucoup de fromages, nous manquions de trésorerie. Ces problèmes d’argent tendent les relations. C’était compliqué », ajoute Camille, qui donne également naissance à deux petites filles en 2023 et en 2024.

En bardage en bois, le nouveau bâtiment se compose d’une salle de traite et accueille 250 chèvres. Ancienne contrôleuse laitière, Camille s’est inspirée de ses visites chez les autres éleveurs pour le concevoir. (©  Aude Richard)

Finalement, le mari de Camille reprend un travail à l’extérieur. Cela a permis à la fois d’avoir un complément de revenus pour faire vivre la famille et de diminuer les charges sur l’exploitation. L’éleveuse se retrouve seule avec deux salariés et deux fois plus de chèvres. Elle demande de l’aide à un voisin agriculteur, qu’elle embauche en contrat Tesa, avec une plage d’horaires variables selon les jours. Ils mettent également en place des heures d’entraide. Il nourrit les chèvres et fait les foins. « Heureusement que Fabrice est là ! C’est pratique d’avoir un homme sous la main pour atteler un outil. Celui qui a inventé les prises de force n’a pas pensé aux filles », s’exclame Camille.

Malgré les difficultés, la jeune femme apprécie son métier : « C’est magique de partir d’une graine de luzerne, d’une chèvre, d’un peu de sueur et parfois des larmes, et d’arriver aux compliments du client qui savoure son fromage ! » Elle se donne deux ans pour trouver un rythme de croisière et pouvoir enfin prendre une semaine de congé.

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