Le pari gagnant de l’engagement en AOP Comté et Morbier
Impliqué dans la filière des AOP (appellations d’origine protégée) Comté et Morbier, Jean-François Brocard croit en la force du collectif. Son prix du lait, 747 € les 1 000 litres en 2023-2024, en est l’illustration.
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À 550 m d’altitude à Champagnole dans le Jura, Jean-François Brocard produit 400 000 litres de lait à comté et morbier, avec une cinquantaine de montbéliardes sur la base du cahier des charges AOP : alimentation sèche (foin, regain et pâturage), robot de traite interdit, productivité laitière limitée à la vache et à la surface, fertilisation encadrée. Installé initialement avec son père, l’éleveur de 56 ans a développé un système économe fondé sur la qualité des fourrages, l’efficacité du pâturage et la maîtrise du concentré distribué aux vaches (seulement 1,1 tonne par vache et par an).
Le séchage en grange, présent depuis 1968 sur l’exploitation, a été particulièrement apprécié en 2024 compte tenu des fenêtres climatiques très serrées. « Cette année, nous avons dû rentrer des bottes de foin la nuit, souligne l’éleveur. Du jamais vu ! » L’autonomie économique, une philosophie déjà suivie par son père, est le leitmotiv de l’agriculteur. L’élevage s’enorgueillit d’avoir reçu en 2023 le prix « AOP autonomie fourragère » du comice de Champagnole. Quelques années plus tôt, la vache « Valve » avait été mise à l’honneur pour sa longévité : elle avait produit 110 000 kg de lait en douze lactations.
Investissements raisonnés
Dans l’élevage, pas d’équipement superflu, mais des investissements très raisonnés. Concernant le matériel, l’exploitation dispose en propre de deux tracteurs et de la chaîne de fenaison (faucheuse, andaineuse, autochargeuse de 40 m³ achetée en 2001). Le reste (épandeur fumier, tonne à lisier, presse à balles rondes, broyeur…) est utilisé en Cuma. Le paillage se fait à la main et le foin est distribué à l’aide d’un astucieux pousse-fourrage bricolé par l’éleveur. « J’aurais les moyens de me payer une pailleuse, mais je n’en vois pas l’intérêt ni pratique ni économique, explique ce dernier. Je préfère privilégier les investissements dans la salle de traite, en l’occurrence une TPA (traite par l’arrière) 2x8. La traite est un moment essentiel pour repérer d’éventuelles anomalies sur le troupeau. En lait cru, l’hygiène est un point crucial. »
Indissociable de l’exploitation, la coopérative du Mont-Rivel valorise le lait des cinquante-cinq montbéliardes. La fromagerie transforme le lait de 36 exploitations (70 producteurs) en comté (1 200 tonnes par an), morbier (250 tonnes) et raclette. Depuis 1992, elle affine tous ses fromages, mais confie la mise sur le marché aux affineurs régionaux. « Quatorze agriculteurs membres du conseil d’administration prennent les décisions politiques, explique Jean-François Brocard. Nous travaillons sans directeur, beaucoup en commissions (logistique, investissement, collecte et qualité du lait…). Nous essayons de nous répartir les tâches pour être plus efficaces. »
Révision du cahier des charges
Comme son père, ancien secrétaire de la coopérative et son grand-père, l’un des fondateurs en 1964, Jean-François s’est impliqué depuis 1989 dans la filière. D’abord en tant qu’administrateur, puis président et vice-président aujourd’hui. « C’est un engagement prenant mais qui m’a beaucoup appris et apporté en matière de gestion d’entreprise et de compétences relationnelles. L’implication des producteurs, la diversité et la vitalité des trois maillons de la filière (production, transformation et affinage) participent à l’élaboration de notre prix du lait et à sa progression depuis les années 1990 : 330 € les 1 000 litres en 1996, plus de 700 € les 1 000 litres aujourd’hui. »
La révision du cahier des charges AOP, validée en novembre 2024 par l’Inao, la dixième depuis la délimitation de la zone AOP Comté en 1958, s’inscrit dans cet état d’esprit. La limite des ateliers laitiers à 1,2 million de litres de lait produits par an doit éviter les difficultés de transmission. Les restrictions apportées à la productivité (50 vaches au maximum par UTA) ont pour objectif de garder des exploitations à taille humaine.
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