Des pâtes fermières éprouvées par la concurrence
Agriculteur dans la Drôme, Samuel Jacquet produit des pâtes fermières depuis 2017. Il fait face aujourd’hui à un marché saturé.
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Samuel Jacquet cultive la terre de ses ancêtres : la ferme qu’il exploite à Beaumont-lès-Valence, dans la Drôme, a été achetée par sa famille juste après la Révolution française. Installé en 2016 en association avec son père, l’agriculteur de 31 ans a fait le choix d’arrêter la production arboricole, de continuer les grandes cultures et de diversifier l’exploitation en créant un atelier de transformation du blé dur en pâtes fermières. À l’époque, le marché des pâtes lui tendait les bras : seuls sept agriculteurs en produisaient en Drôme et Ardèche. Pour un investissement de 220 000 euros, il a fait construire un bâtiment de 100 m² et acheté toutes les machines nécessaires à la confection des pâtes dont un moulin, une tamiseuse, une machine à pâtes, un séchoir et une ensacheuse.
Maintien du semis direct
Pour mieux valoriser ses pâtes, Samuel s’est posé la question de convertir l’exploitation de 80 ha en agriculture biologique. Seulement ses terres étaient cultivées en semis direct depuis plus de 20 ans. Une transition effectuée par son père en 1999, à l’époque davantage pour économiser de la main-d’œuvre que pour des raisons agroécologiques. « Bio et semis direct étaient difficilement compatibles », explique Samuel, qui a choisi de continuer le non-labour tout en sachant que cela le priverait de certains débouchés. Pour se démarquer, il a surtout misé sur une recette originale de pâtes, plus digestes. « Mes pâtes ne contiennent pas de son de blé, mais seulement de l’amande et du germe, riches en protéines et en nutriments. » Le succès de sa recette dépend surtout des réglages du moulin : Samuel le fait tourner beaucoup plus lentement que pour une recette de pâtes complètes ou semi-complètes. Par ailleurs, pour garantir la qualité de ses pâtes, il choisit avec soin ses cinq meilleurs hectares de blé dur, ceux qui contiennent le moins de mitadinages et le plus de protéines, et vend le reste en coopérative.
Deux marques
Pour séduire aussi bien la grande distribution que les petites épiceries, le père de Samuel lui a conseillé de vendre ses pâtes sous deux marques différentes. D’abord réticent à cette idée qui compliquait la logistique, l’agriculteur admet à présent que ce choix était judicieux : « Il rassure les uns comme les autres. » « Sam & Pâtes » est donc réservée à la grande distribution, tandis qu’on retrouve la marque « Terre de blé » dans les petites enseignes. Aujourd’hui, plus de 60 magasins commercialisent ses pâtes, dont une quinzaine de grandes surfaces. « On pourrait croire que c’est bon signe d’avoir autant de revendeurs, mais en réalité c’est l’inverse. Je suis obligé de multiplier les partenaires pour pouvoir écouler mes produits. » Car dans la Drôme, l’âge d’or des pâtes est révolu. Depuis l’installation de Samuel en 2016, les producteurs de pâtes fermières ont poussé comme des champignons et sont aujourd’hui 40 en Drôme et Ardèche. « Le marché est complètement saturé », soupire l’agriculteur, qui éprouve des difficultés à se projeter.
S’associer ou embaucher
Alors que son père est à la retraite depuis deux ans, ce climat incertain freine les velléités de Samuel de trouver un autre associé ou d’embaucher un salarié. Pourtant, l’atelier de transformation est loin de tourner à plein régime. « Je pourrais produire trois fois plus si j’avais une personne à temps plein, mais le problème c’est le débouché », explique Samuel. Quant à s’associer, il hésite, découragé par les nombreux exemples d’associations qui ont mal tourné dans son entourage. Il se donne encore un an pour avoir plus de visibilité, mais envisage déjà la possibilité de diminuer sa charge de travail s’il se retrouve seul.
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