« Epi Toué », une baguette locale et à haute valeur environnementale
Caroline et Quentin Pointereau et Bertrand Philippon, céréaliers pionniers de la HVE (haute valeur environnementale), ont créé leur débouché, en lien avec un meunier et une vingtaine de boulangers.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
« Epi Toué », c’est le nom d’une baguette, fabriquée par une vingtaine de boulangeries dans un rayon de 100 km autour de Bourges. Un nom en patois berrichon : « Hé, pis toué » qui signifie « comment vas-tu ? » Et c’est un ancien trader qui se cache derrière.
Après une école d’ingénieur agronome, Quentin Pointereau est embauché par un négoce de coton. La crise financière de 2008 vient de passer, il faut reconstruire l’activité. « Il y avait beaucoup de pression, se souvient l’ancien responsable d’équipe. En 2015 et 2016, nous avons eu deux enfants et avec ma femme Caroline, nous aspirions à quitter Paris. »
Considérés comme une start-up
En 2017, Quentin Pointereau, fils d’agriculteur, s’installe sur une ferme de 146 ha à Lugny-Bourbonnais, dans le Cher. Elle jouxte celle de Bertrand Philippon, son beau-père (424 ha), qui deviendra celle de sa femme Caroline en 2022. Dès le départ, les deux fermes sont menées en assolement en commun. Bertrand Philippon est alors en pleine réflexion sur ses pratiques : depuis les années 2000, les rendements des céréales diminuent. Il introduit des cultures de printemps et la multiplication de semences.
Avec une douzaine de cultures, la ferme de Lugny devient ferme pilote de la FDGeda (1), une association de recherche, d’expérimentation et de conseil en grandes cultures dans le Cher. Les cultures sous contrat, très techniques, assurent une meilleure rentabilité et donnent de la visibilité. « Ce n’est pas parce que j’ai été trader que j’ai une baguette magique pour augmenter le prix du blé ! Les cultures sous contrat sont une façon de mieux gérer les risques », ajoute Quentin Pointereau, devenu président de la FDGeda. Dans leur élan, les agriculteurs passent progressivement en sans labour.
Agronomiquement et économiquement, les fermes semblent avoir trouvé leur rythme de croisière. Pourtant, il manque un ingrédient : la reconnaissance du travail bien fait. En 2019, Quentin entend parler du label HVE (Haute valeur environnementale). À l’époque, cette certification est connue chez les viticulteurs, mais peu en grandes cultures. Les deux exploitations céréalières de Lugny sont parmi les premières à l’obtenir (2). Mais à quoi bon ? Le marché ne reconnaît pas encore ce label.
Après avoir posé le logo HVE à l’entrée des fermes, les exploitants démarchent des moulins pour valoriser leur blé. Leur idée : créer une baguette avec de la farine HVE produite localement. Ils font affaire avec le moulin de Chappe, à Bourges. Leur projet est repéré par la cellule d’accélération « Georgia », mise en place par les chambres consulaires. « Cela nous a bien aidé à structurer notre projet. Nous étions considérés comme une start-up », indique Quentin.
Budget de communication
En quelques mois, les tests de meunerie sont réalisés, le stockage à la ferme est modernisé, les premiers camions de céréales sont livrés et une agence de communication développe la marque. En septembre 2020, sept boulangers lancent l’Epi Toué. « Je suis convaincu qu’investir dans notre image, c’est investir dans la rentabilité », souligne le producteur de 37 ans. Depuis le lancement, le budget de communication avoisine les 30 000 euros, en partie soutenu par la Région Centre. La plus-value sur le blé vendu via cette filière évolue entre 0 et 15 % par rapport au marché du blé.
« Nous avons eu la chance de nous lancer l’année du Covid, quand l’alimentation saine et locale est revenue en force. Cela nous a permis d’asseoir notre réputation, avant la guerre en Ukraine et l’inflation des charges qui ont chahuté nos marges. Il faut du temps pour être reconnu du grand public, surtout dans l’environnement ultra-concurrentiel qu’est la meunerie », conclut Quentin, qui valorise un quart de la production de blé (de 250 à 300 t/an) en farine Epi Toué.
(1) Fédération départementale des groupes d’études et de développement agricole. (2) En 2024, obtention de la HVE de quatrième génération.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :