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La grande distribution veut accéder aux bilans carbone de ses fournisseurs

150 acteurs ont rejoint la plateforme LESS au 17/11/2025.

Désireux d’entamer un travail sur leurs émissions indirectes de gaz à effets de serre, neuf acteurs de la grande distribution s’entendent autour d’une plateforme commune de collecte de données. Leurs fournisseurs, et notamment les coopératives agricoles, pourront désormais y renseigner bilan carbone et objectifs environnementaux.

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La plateforme LESS, pour « low emission sustainable sourcing », est une première étape vers la décarbonation des chaînes d’approvisionnement des enseignes de la grande distribution. C’est ainsi que l’initiative commune, lancée le 12 novembre 2025 sous l’égide de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et de Periphem, la Fédération technique du commerce, se présente de prime abord. Les fournisseurs, notamment de l’amont agricole, vont ainsi pouvoir indiquer les chiffres de leur empreinte carbone sur un support numérique unique.

Aller plus loin sur le scope 3

Après des efforts fournis sur la réduction de leurs émissions directes de gaz à effets de serre, les neuf enseignes (1) fondatrices du projet, qui représentent à elles seules près de 95 % de la grande distribution sur le secteur alimentaire, « souhaitent aujourd’hui aller plus loin en s’attaquant au scope 3 de leur bilan carbone », indique Philippe Joguet, directeur du développement durable à la FCD.

Selon une étude du cabinet McKinsey publiée en 2022, le scope 3 de la grande distribution, qui concerne toutes les émissions indirectes des enseignes, compte pour 96 % de leur bilan carbone total. « Là-dedans, les 3/4 des émissions proviennent des produits en eux-mêmes, d’où l’importance d’une meilleure coopération avec l’ensemble de nos chaînes d’approvisionnement. Et cela commence par la collecte de données fiables », souligne Philippe Joguet.

Les données carbone à l’échelle de l’entreprise

Au départ, les porteurs du projet souhaitaient recueillir des données carbones liées directement aux produits, mais rapidement les obstacles s’amoncellent. « Ce n’était pas du tout possible à date, étant donné la maturité des méthodes de calcul à disposition de l’industrie », pointe Carole Lejeune, responsable carbone et RSE à la Coopération Agricole. Avec l’Ania ou encore Pact’Alim, la fédération de coopératives agricoles rejoint l’initiative en cours de route, mais se charge de ramener sur terre l’ambition initiale de la plateforme.

« Nous avons finalement décidé de collecter les données carbone des fournisseurs à l’échelle de l’entreprise. Et je précise que notre plateforme respecte le droit de la concurrence, c’est-à-dire que les entreprises qui le veulent peuvent partager leurs données carbone et les enseignes n’auront accès à ces données qu’au prorata du volume commercial qu’elles contractent avec elles, sans bien sûr pouvoir les communiquer », expose Philippe Joguet.

L’Autorité de la concurrence a rendu une orientation favorable au projet le 30 octobre, mais si une certaine neutralité est aussi garantie, c’est grâce au « tiers de confiance » choisi pour fournir son logiciel. « Le réseau d’échanges de données d’Open Climat nous a paru conforme à ce que nous recherchions, indique Philippe Joguet. La plateforme est solide numériquement et juridiquement. » Et là où l’outil est collectif, Giulia Basclet, conseillère environnement à la FCD, insiste sur « le caractère individuel des stratégies des enseignes à son égard, qu’il s’agisse de l’usage des données ou du ciblage des fournisseurs ».

Attirer les fournisseurs sur la plateforme

150 acteurs ont déjà rejoint la plateforme, mais la marge de développement du service se trouve plutôt du côté des fournisseurs. « Quand on sait qu’une enseigne en compte facilement 6 000, toutes tailles confondues, il y a de quoi faire », reconnaît le directeur du développement durable de la FCD. Pour attirer les entreprises et les acculturer au processus de décarbonation, celles qui n’auraient pas encore de bilan carbone peuvent rejoindre la plateforme gratuitement. « Les fournisseurs doivent payer un droit d’accès, en fonction de leur chiffre d’affaires, uniquement lorsqu’ils décident de renseigner leurs données », précise Philippe Joguet.

Pour Carole Lejeune de la Coopération agricole, le projet est plutôt positif et s’ajoute aux nombreuses actions en faveur de la réduction des émissions carbone lancées par la fédération de coopératives. « Collecter les données, c’est bien. Mais à terme, il faudra parler du vrai sujet, celui du partage des coûts de la décarbonation parmi tous les acteurs de la chaîne, estime-t-elle. Nous avons tenté d’estimer ces coûts, et pour nos 2000 coopératives, réduire de 25 % leur impact carbone équivaudrait à débourser 800 millions d’euros supplémentaires par an. »

Bien que la progressivité des engagements de chacun relève pour l’instant des négociations commerciales, la question du partage des coûts pourrait rapidement figurer à l’ordre du jour des réunions du Comité des parties prenantes. L’instance qui accompagne la plateforme doit « structurer le dialogue » entre industriels et distributeurs, mais aussi « suivre les développements futurs » du projet, indique la FCD.

(1) Auchan, Carrefour, Coopérative U, Casino, Mousquetaires, E.Leclerc, Lagardère Travel Retail, Lidl France et Metro France.

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