Le Shift Project propose son scénario pour décarboner l’agriculture
Le Shift Project, qui réfléchit à la décarbonation des différents secteurs d’activité en France, a publié de son rapport portant sur l’agriculture. La FNSEA et la Confédération paysanne ont réagi lors d’une table-ronde.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Après avoir présenté ses réflexions intermédiaires sur la décarbonation du secteur agricole en juin 2024, le Shift Project, groupe de réflexion présidé par Jean-Marc Jancovici, a publié son travail finalisé le 28 novembre 2024.
Plusieurs scénarios sont étudiés, dont un de « conciliation ». Il permet, selon le Shift Project, d’atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) à l'horizon de 2050, tout en visant une « meilleure résilience globale » pour le système agricole, indique Laure Le Quéré, ingénieure de projet au Shift Project. Ce scénario repose sur plusieurs hypothèses.
Reconfiguration de la fertilisation
Parmi les plus structurantes : la reconfiguration de la fertilisation, via un triplement des surfaces en légumineuses, une généralisation des couverts, un meilleur recyclage des produits organiques… Ces leviers doivent aboutir à « la réduction de 70 % de l’utilisation d’engrais azotés de synthèse », quantifie Corentin Biardeau-Noyers, ingénieur projet agriculture au Shift Project. Du côté des grandes cultures, les leviers identifiés sont similaires à ceux envisagés par les filières des céréales et oléoprotéagineux dans leur feuille de route de décarbonation.
Côté élevage, le Shift Project table dans ce scénario sur des « hypothèses prudentes et réalistes », estime Laure Le Quéré, ingénieure projet au Shift Project. Pour les ruminants : –27 % du cheptel ruminant (soit une baisse d’environ 1 % par an alors que le recul actuel est d’environ –2,6 % par an en allaitant et –1,9 %/an en lait, estime-t-elle), à combiner avec une adaptation de l’alimentation. « On cherche au maximum à préserver les systèmes les plus résilients, avec notamment une augmentation des systèmes pâturants », pour « préserver au maximum les surfaces de prairies permanentes », indique Laure Le Quéré.
Pour les monogastriques, les principales hypothèses portent sur l’alimentation, dont la substitution de la part d’alimentation animale importée issue de déforestation, soja en particulier, et sur une « répartition plus équilibrée des élevages en fonction de la capacité des milieux à gérer les effluents ».
[Vidéo] « La décarbonation de l’agriculture coûtera plus cher », selon Jean-Marc Jancovici (26/07/2024)
Massifier en structurant les filières
Lors d’une table-ronde, Jean-Marc Jancovici s’étonne de voir que le secteur agricole, contrairement à l’industrie, n’a pas chiffré ses besoins économiques pour se décarboner et appuyer des demandes de soutien public. Pour Olivier Dauger, administrateur FNSEA et référent en climat, énergie et carbone, les moyens affectés au secteur sont insuffisants. Cela résulte notamment d’une approche différente entre les secteurs : politiquement, estime-t-il, « le secteur agricole n’est pas considéré comme une activité économique » mais d’occupation territoriale.
Il se dit également « très dubitatif » sur l’intérêt des aides publiques sur le long terme, et insiste sur l’importance de construire des démarches de filières pour massifier les pratiques. Il estime également primordial de garantir un revenu aux producteurs pour qu’ils puissent se projeter sur une transition bas carbone.
Politiques globales
Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, pointe pour sa part un important « défaut d’anticipation » par le secteur. Globalement, c’est un constat « sans surprise » qui résulte, selon elle, d’un ensemble de politiques macroéconomiques contre lesquelles le syndicat combat (« ultralibéralisation qui tire les questions environnementales et sociales vers le bas », manque de soutien public aux pratiques vertueuses…).
Positionnée contre la « financiarisation du carbone », elle appelle à une vision plus large qu’une approche purement « carbone » (biodiversité, qualité de l’eau…).
Pour accéder à l'ensembles nos offres :