Élevage et climat, travailler sur la nutrition animale
Pour les fabricants d’aliments, le levier de la nutrition animale a du potentiel pour participer à la réduction des émissions de gaz à effet du secteur de l’élevage. Plusieurs éléments freinent toutefois la formulation « bas carbone ».
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Pour atteindre les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre de l’élevage français, le Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (Snia) ne mise pas sur la décapitalisation. « Nous pensons à l’autre voie : celle de la performance », explique Vincent Héral, son responsable RSE, à l’occasion d’échanges organisés par l’Aftaa (1) le 21 mars 2024. « Nous sommes convaincus que par la voie de leviers d’action, notamment en nutrition animale, on serait en capacité d’arriver aux objectifs de décarbonation sans perdre notre appareil productif. »
Le défi de formuler en limitant les gaz à effet de serre
À ce jour, l’intégration de la dimension climatique dans la formulation des aliments est encore rare. « On sent que le sujet monte en préoccupation : les fabricants ont eux-mêmes des demandes de leur aval », juge toutefois Anne Paul, spécialiste en formulation en charge de l’environnement chez CCPA, firme-services qui fournit des ingrédients et des conseils de formulation aux fabricants d’aliments. « Mais lorsque l’on rentre dans le sujet, ce n’est pas si simple que cela. »
Dans les bases de données utilisées, des valeurs sont manquantes pour certaines matières premières. Les données sont par ailleurs moyennées et ne permettent pas de tenir compte de démarches de réduction spécifiques. À cela s’ajoutent des contraintes logistiques.
De nouveaux outils
Autre frein : celui du coût. Selon ses simulations, abaisser l’impact carbone d’un aliment pour poulet de 1 040 kgeqCO2/t (céréales et tourteaux de soja déforestant) à 934 kgeqCO2/t (céréales, tourteaux de soja déforestant, autres tourteaux, drèches, protéagineux et huile) fait passer le prix de 315 €/t à 355 €/t.
Anne Paul précise que pour cet exemple, l’amélioration du bilan des gaz à effet de serre s’accompagne d’une dégradation d’autres critères environnementaux. C’est particulièrement le cas concernant l’occupation des sols.
« Nos fournisseurs évoluent et nous proposent des solutions pour prendre en compte l’impact environnemental dans les outils des formulateurs », poursuit Anne Paul. Par exemple, en permettant au logiciel utilisé de définir des variations de prix acceptables, tout en lui demandant d’optimiser un autre critère (ici celui des gaz à effet de serre).
Ne pas faire baisser la performance
De manière générale, Vincent Héral explique que pour réduire l’impact en carbone d’un aliment composé, il faut prendre en compte trois axes :
- La matière première utilisée dans la formulation. « Au total, 95 % du bilan carbone de la nutrition animale sont liés aux matières premières, et 5 % uniquement à l’outil industriel et au transport », rappelle-t-il. Décarboner l’amont agricole est donc la priorité : céréales, protéagineux, mais aussi additifs qui peuvent peser lourd dans la balance ;
- La performance nutritionnelle. « Il faut que l’aliment soit performant sur la dimension nutritionnelle pour que les performances environnementales de l’élevage ne soient pas dégradées », note-t-il ;
- L’impact sur les rejets. « Il y a deux leviers majeurs, précise Vincent Héral : l’alimentation multiphase en monogastrique, et les additifs qui permettent de réduire les émissions entériques de la filière bovine. »
(1) Association française des techniciens de l’alimentation et des productions animales.
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