Des laits sur commande Des laits sur commande

Des montbéliardes qui fournissent un lait riche en caséines pour améliorer le rendement fromager, des prim'holsteins du Grand Ouest qui synthétisent un lait à forte teneur en acide gras polyinsaturés, un taureau normand siglé « oméga 3 »… Ce n'est plus de la science-fiction. A l'avenir, la sélection génétique pourrait modifier la composition du lait de vache, mais aussi de chèvre et de brebis. C'est ce qui ressort du programme Phénofinlait, mené de 2008 à 2012 par l'Institut de l'élevage et l'Inra, à la demande de l'interprofession laitière (Cniel). Les scientifiques se sont penchés sur l'étude fine des composants du lait en s'appuyant sur le progrès des méthodes d'analyse et sur la génomique. Les résultats publiés portent sur 20 acides gras saturés et insaturés parmi les 400 que contient le lait, et 6 protéines (4 caséines, une lactalbumine et une lactoglobuline). « Cette étude a mis en évidence que certaines caractéristiques de la composition du lait sont héritables. Elle a permis d'en repérer les marqueurs génétiques et de montrer qu'une sélection génomique est possible », souligne Stéphane Barbier, de l'Unceia. « La voie alimentaire est efficace pour jouer sur la teneur en acides gras, complète Thierry Geslain, du Cniel. Le levier génétique apparaît potentiellement plus efficace pour les protéines. »

La filière exploite déjà la voie alimentaire, mais elle n'en est qu'au stade de la réflexion dans le volet génétique. Les index sont déjà si nombreux que seul un vrai projet de filière justifie d'en introduire un supplémentaire. Des outils sont disponibles, reste à trouver un consensus. Difficile… Les transformateurs n'ont pas les mêmes besoins, selon l'utilisation qu'ils font du lait.

« Les filières fromagères de l'Est de la France et les entreprises de sélection (ES) montbéliardes s'intéressent à l'aptitude fromagère du lait, qui dépend de la teneur en caséines et en protéines sériques, explique Patrick Ramet, vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait. On peut imaginer demain un nouvel index sur ce caractère pour la race montbéliarde. On irait alors vers une indexation à la carte selon les débouchés, pour produire des laits spécifiques selon les besoins des industriels. Certaines ES se spécialiseraient alors selon les demandes régionales, avec des taureaux particuliers. Ce type de démarche devrait être encadré par des contrats. » Elle vaut pour des transformateurs qui travaillent avec une race dominante.

DES TENEURS DIFFÉRENTES

Pour compliquer la tâche, les fromagers n'ont pas les mêmes besoins : le comté, à pâte dure, nécessite une teneur en variant B de la k-caséine supérieure à celle du camembert et sa pâte molle. A l'inverse, les industriels multi-produits ont plutôt intérêt à développer une méthode d'analyse des composants du lait fiable et précise, et des technologies permettant d'en extraire certains composants.

Les arômes des produits laitiers pourraient également avoir une composante génétique, à travers les teneurs en AG. « Certains acides gras sont typiquement porteurs d'arômes, souligne Jean- Pierre Guyonnet, du Cniel. Ainsi, la « flaveur chèvre » caractéristique est apportée par l'acide octanoïque, présent en très faible quantité dans le lait de chèvre mais absent des laits de vache et de brebis. Comme il était inconnu jusqu'à récemment, des lignées de chèvres ont été sélectionnées qui ne présentaient pas ce caractère, et leurs laits ont perdu cette flaveur. »

On peut ainsi imaginer une filière particulière pour certaines races. « Phénofinlait peut contribuer à limiter l'appauvrissement génétique, car il révèle de nouveaux caractères. Des animaux qui auraient été écartés pourraient être pris en compte dans les programmes de sélection sur cette nouvelle base, estime Stéphane Barbier. Si un patrimoine génétique particulier était mis en évidence dans une race, cela pourrait contribuer à la relancer. »

[summary id = "10022"]