Cultiver la diversité génétique en bovin allaitant
Jean-François Loreau multiplie les lignées de génétique charolaise pour obtenir un troupeau performant.
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« Sicilien P », né le 24 octobre 2021, a remporté le top-price des enchères de la station d’évaluation de Jalogny en Saône-et-Loire, le 23 février dernier. Adjugé 10 600 €, ce jeune reproducteur charolais a séduit un éleveur allemand par son profil très complet. « Il est à l’image des animaux que je cherche à produire », commente Jean-François Loreau, son naisseur, installé à Saint-Marcelin-de-Cray (Saône-et-Loire).
Porteur du gène sans corne et recommandé pour ses aptitudes maternelles, « Sicilien P » dispose d’index génétiques très favorables (note de synthèse de 105 IMOCR (1) ) et d’un potentiel de développement musculaire important. Pendant 90 jours en station, il a réalisé un GMQ de 1900 g. « Pour parvenir à présenter un tel reproducteur, il faut que les planètes soient bien alignées et avoir un peu de chance », concède l’éleveur.
Derrière la modestie de Jean-François, se cache un parcours singulier, ainsi qu’une rigueur de tous les instants. Inséminateur pendant cinq ans puis technicien génétique en race charolaise, l’éleveur de 58 ans a repris la ferme familiale en 2000. Elle comptait alors mères 40 charolaises non inscrites sur 60 ha de prairies permanentes. « À l’époque, j’avais commencé à inciter mon père à adhérer à Bovins Croissance », se souvient Jean-François.
100 % d’inséminations
Disposant d’un espace limité en bâtiment, Jean-François pratique des vêlages précoces concentrés en octobre et novembre. Cette conduite lui permet de faire partir les veaux mâles avant l’hiver suivant, et de maîtriser la reproduction. Celle dernière est réalisée du 20 décembre au 1er mars. Depuis plusieurs années, le troupeau affiche un IVV (1) de 370 jours. Les césariennes sont rares et Jean-François n’intervient que sur 20 à 25 % des vêlages. Pour lui, une vache doit faire son veau de 50 kg sans problème et l’élever seule.« La rigueur économique commence par là. La génétique a un coût : il faut se définir des bornes et s’y tenir », insiste-t-il.
« Facilité de naissance et qualités maternelles sont des critères de première importance »
Pratiquée aujourd’hui 100 % en insémination artificielle, la reproduction ne se fait que pour un tiers avec des semences issues de centres d’insémination. Pour les deux tiers restants, Jean-François Loreau travaille avec Simon Genetic, une société spécialisée en commerce de génétique charolaise. Il prélève des reproducteurs achetés avec un autre éleveur dont il partage les mêmes objectifs de sélection : le Gaec Jacob installé à Savigny-sur-Grosne (Saône-et-Loire). Ensemble, ils ont acheté un mâle homozygote sans corne à la fin de 2020, puis un second taureau cornu en 2022.
Cette diversité génétique a permis à Jean-Francçois d’obtenir quelques pedigrees originaux telle que Madona, la mère de « Sicilien P ». L’un de ses taureaux cornus figure par ailleurs depuis plus d’un an dans le catalogue de Gènes Diffusion (Rimbaud, un fils de Giono et une fille de Chic).
Ne pas négliger la voie femelle
Si la voie mâle est souvent privilégiée par les sélectionneurs, la voie femelle reste très importante. « Il y va de la pérennité de l’élevage, pointe l’éleveur. Dans notre région, vendre des mâles est la priorité. Pour autant, cette année, deux ou trois femelles homozygotes sans corne présentes dans mon troupeau devraient être bien valorisées. »
Les acheteurs français et européens viennent chercher chez les animaux Jean-François Loreau de bonnes aptitudes au vêlage, des qualités maternelles et un équilibre morphologique. « Les bêtes doivent être aussi intéressantes au crochet du boucher, souligne l’éleveur qui commercialise ses femelles grasses dans une boucherie locale. J’ai autant de fierté à commercialiser une bonne carcasse que de vendre un animal comme « Sicilien P ».
Pour celui qui est aussi administrateur à l’organisme de défense et de gestion de l’AOP « Bœuf de Charolles », l’objectif est de « fabriquer un bon produit, une bonne femelle de renouvellement ou bon mâle pour la reproduction ». Et de souligner que « tout est lié ». « Pour avoir de bonnes femelles, il faut de bons taureaux. La sélection, ce n’est pas que des mathématiques, il y a un peu de magie qui entretient la passion. Les index, c’est de la prédiction avec une précision maximale de 0,5 seulement. D’où la nécessité de rester humble. »
(1) Morphologie Croissance.
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