La filière des fruits est mobilisée contre les fraudes à l’origine
Les producteurs de fruits se sont questionnés sur les moyens de lutter contre la « francisation » de produits étrangers, à l’occasion d’une table ronde au congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), jeudi 13 février 2025.
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La fraude à l’origine est un fléau. Déjà pour le consommateur, qui est trompé sur l’origine — et donc sur le mode de production — de ce qu’il achète. Et bien sûr pour le producteur qui pâtit de concurrence déloyale.
Impact sur les prix
Au congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), qui se tenait les 13 et 14 février 2025 dans le Rhône, le sujet faisait l’objet d’une table-ronde qui a suscité des réactions dans l’assemblée.
« C’est une double peine, est intervenue la directrice du Bureau interprofessionnel du kiwi, Adeline Gachein. Non seulement on perd des parts de marché, mais comme les produits francisés sont généralement moins chers, les producteurs français doivent s’aligner sur ces prix, parfois en dessous de leurs coûts de revient. En kiwi, on a retrouvé des prix rémunérateurs après la révélation des fraudes à l’origine. »
Volonté de sanctions dissuasives
« Cela montre la volonté des juges de donner des sanctions dissuasives, analyse l’avocate Carole Rivier-Deloye. Les délits de tromperie sont passibles de peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 € pour un individu ou 1,5 million d’euros pour une entreprise. Mais je n’ai jamais vu une peine de prison dans une affaire de fruits et légumes… En revanche, la sanction la plus dissuasive est la médiatisation de l’affaire, qui fait chuter les ventes de l’entreprise frauduleuses sur le long terme. »
Collaboration entre Interfel et les douanes
Responsable juridique d’Interfel, Fabien Gaucher a salué le travail de la DGCCRF (1) qui « prend à bras-le-corps ces sujets » et dont « les agents, hélas en sous-effectifs, mènent de longues enquêtes ».
Interfel collabore avec les douanes en mettant à disposition des données de production par filière. La différence entre le volume produit en France et celui vendu comme « français » donne une idée de l’ampleur des fraudes… Il faut cependant s’armer de patience : les enquêtes des douanes, qui se fondent essentiellement sur la comptabilité, sont d’autant plus longues que les importateurs frauduleux bâtissent des filières tortueuses longues à remonter.
Traçage des origines
Les contrôles à l’origine sont généralement ciblés sur des entreprises après signalement. Or, une nouvelle arme permet de déclencher des enquêtes. « Depuis quatre ans, nous travaillons avec les laboratoires Eurofins et Phytocontrol pour tracer l’origine des fruits à partir de leur signature isotopique, a présenté Muriel Millan, responsable technique de l’AOP Pêches et Abricots de France. Nous avons arpenté la France et l’Espagne pour rapporter des échantillons et constituer une base de données. Aujourd’hui, Eurofins propose une double analyse pour 530 € avec des résultats très fiables en dehors de la Catalogne, sur laquelle il faut encore travailler pour différencier la Catalogne française et espagnole. L’an prochain, Phytocontrol devrait également reproposer une offre fiable à plus de 90 %. Le travail a aussi démarré sur les abricots. »
Interfel propose des financements aux filières qui souhaiteraient constituer des bases de données isotopiques. « Les analyses n’ont pas valeur de preuve pour une condamnation mais contribuent au faisceau d’indices », a précisé l’avocate Carole Rivier-Deloye.
Certificats de traçabilité
Interfel a aussi commandé une étude à un cabinet extérieur pour mieux comprendre les pratiques de fraudes, afin de fournir des outils à ses adhérents pour s’en prémunir.
Certains prennent aussi les devants : « L’interprofession du champignon a mis en place des audits volontaires pour les producteurs, par un cabinet extérieur qui vient éplucher leurs factures, etc., a illustré Fabien Gaucher. Cela débouche sur des certificats de traçabilité. »
Et Muriel Millan d’ajouter : « Les démarches comme “Vergers écoresponsables”, qui impliquent une traçabilité des pratiques, sont aussi identifiées par les distributeurs comme des garanties d’origine. »
Des nectarines 100 % « Vergers écoresponsables » (29/09/2024)
(1) Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
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