Les endiviers veulent de la visibilité
La filière des endives s’est réunie pour partager ses difficultés aux élus et échanger sur les alternatives au retrait de plusieurs molécules dont la benfluraline dès le mois de mai 2024.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Tous les acteurs des endives et des chicorées des Hauts-de-France étaient réunis le mardi 20 février 2024 à Lille alors que leur filière est, selon eux, « en grand danger de disparition ». L’ambition des professionnels était de partager leurs difficultés auprès des élus nombreux dans la salle et sur l’estrade, comme Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la Région Hauts-de-France en charge de l’agriculture.
Xavier Bertrand, président de la Région, est aussi intervenu à distance et a assuré les endiviers de son soutien. « La filière a besoin d’une visibilité sur plusieurs années pour reprendre confiance », a martelé Philippe Bréhon, président de l’Association des producteurs d’endives de France (Apef) devant plus de 300 participants (producteurs, techniciens, semenciers, coopératives et négoces, ETA…).
Arrêt de la benfluraline
Faisant suite à la « décision couperet » d’interdire la benfluraline (Bonalan) à partir du 12 mai 2024 au niveau européen, les endiviers et producteurs de chicorée se trouvent dans l’impasse pour désherber les chénopodes. Déjà confrontés à la hausse du coût de l’énergie, ils s’inquiètent pour la pérennité technique et économique de leur production.
D’autres molécules sont sur la sellette à moyen terme comme l’herbicide triflusulfuron-méthyle (Safari) et l’insecticide spirotétramatate (Movento). « Ce qu’on demande, c’est du temps pour s’adapter, a lancé Daniel Bouquillon, ancien président de l’Union des endiviers. On ne peut pas aller contre la volonté sociétale, mais il faut faire des progrès dans les techniques alternatives. »
Solutions alternatives
Plusieurs solutions alternatives au « tout-chimique » pour désherber les parcelles d’endives sont à l’étude à la station expérimentale de l’Apef. Par exemple, le désherbage thermique, mais il est moins efficace à ce jour. Le désherbage en localisé avec du laser est aussi un espoir, cependant plus coûteux.
L’enjeu est important. L’endive est le quatrième légume frais le plus consommé en hiver et la France est le premier pays producteur mondial avec 130 000 t (–50 % en vingt ans) grâce aux 300 endiviers. Les Hauts-de-France représentent à eux-seuls 90 % de la production hexagonale. La filière emploie 5 000 salariés et génère un chiffre d’affaires de 240 M€ dont une partie à l’exportation.
Action au niveau européen
La filière attend ainsi « un signal fort du gouvernement ». « Il ne faut pas d’interdiction sans solution », a répété Philippe Bréhon. Beaucoup appellent aussi à une action au niveau européen, comme Xavier Bertrand qui propose d’étudier « la possibilité d’une dérogation pour surseoir une impasse sanitaire et dans des délais rapides, tant qu’il n’y a pas de moyens de substitution. » Une représentante belge a indiqué que la Belgique allait faire une demande de dérogation pour le Bonalan, le Safari et le Movento. « Financièrement, unissons-nous au niveau européen pour avoir des lignes directrices communes de recherche, a par ailleurs déclaré avec insistance Daniel Bouquillon. Nous irons plus vite et plus loin. »
Ouvrir des portes
Cyril Pogu, coprésident de Légumes de France, a voulu de son côté délivrer un message optimiste aux endiviers. « Cela fait dix ans que je travaille sur des sujets pas toujours simples, mais c’est la première fois que je ressens un soutien comme vous pouvez avoir en ce moment. Des négociations sont en cours et nous sommes en train d’ouvrir des portes. Le ministère s’est par exemple engagé à vous mettre à disposition des molécules auxquelles vous n’avez pas accès aujourd’hui. » Cyril Pogu a aussi précisé qu’une demande était faite auprès de l’Anses, pour avoir une interdiction d’utilisation du Movento dans deux ans seulement au lieu d’un an, « car d’ici à deux ou trois ans il y aurait une solution de remplacement ».
Le coprésident de Légumes de France a fait le rapprochement avec la situation qu’il a subie en 2018 en tant que producteur de mâche en région nantaise : l’arrêt en un mois d’un produit de désinfection des sols très efficace. « Les 200 producteurs se sont mis autour de la table pour trouver des alternatives, a-t-il raconté. Nous avons réussi car, comme vous, nous étions leaders en France, avec une cohorte derrière nous et une expertise technique. Et nous produisons toujours cinq ans après, avec des pratiques différentes. » Et d’insister sur la force qu’ont les endiviers. « Nous sommes très nombreux aujourd’hui. Si on se met tous autour de la table, je suis à peu près sûr et peu inquiet sur le fait qu’on va trouver des solutions. »
Pour accéder à l'ensembles nos offres :