Compétitivité Comment le secteur des fruits et légumes compte rebondir
Le ministre de l’Agriculture présente un plan de souveraineté à moyen et long terme pour les fruits et légumes ainsi que les pommes de terre.
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C’est le « premier exemple concret de la méthode gouvernementale de planification écologique », se félicite le ministère de l’Agriculture. Le « plan de souveraineté fruits et légumes », incluant les pommes de terre, a été officiellement lancé le 1er mars 2023 lors du Salon de l’agriculture. Il a pour ambition de regagner cinq points sur le taux d’autoapprovisionnement en France d’ici à 2030, et dix points d’ici à 2035. Ce dernier est actuellement de 50,8 % en fruits et légumes frais (1), selon le CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes). Il a perdu 14 points depuis 2000 (11 points hors agrumes et fruits exotiques).
Développer les serres
Face cette perte de souveraineté qualifiée d’« évidente », le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a détaillé ce plan pluriannuel, en compagnie des représentants de la filière. Moderniser les agroéquipements, renouveler les vergers, favoriser l’innovation et la recherche : voilà les grandes orientations du côté de la production. Il vise aussi à dynamiser la consommation des Français, via notamment des plans de communication. Un premier budget a été donné pour 2023. Jusqu’à 200 millions d’euros seront ainsi mobilisés, dont 100 millions d’euros seront issus du plan d’investissement « France 2030 ». Néanmoins, parmi les 23 matériels éligibles dont la liste a été donnée le 6 mars 2023, seuls quelques-uns concernent directement l’arboriculture et le maraîchage, comme une canne d’éclaircissage, des petits robots, un tracteur électrique ou encore des stations météo. Les dossiers sont à déposer sur le site de FranceAgriMer.
Marc Fesneau a en particulier insisté sur la modernisation du parc de serres français. « Nous avons besoin de développer les serres, il faut l’assumer dans notre pays, a-t-il ainsi déclaré. C’est un élément de la compétitivité, qui permet de répondre à un segment de marché. Il faut que l’on assume aussi les serres chauffées, dès lors qu’on arrive à se lancer dans un mécanisme de décarbonation. Il n’y a pas de raison que nous ayons dix fois moins de serres que les Espagnols. » Des appels à projets ou des guichets spécifiques pour la modernisation et la création de nouvelles serres, tunnels froids ou serres chauffées décarbonées devraient voir le jour.
La question des phytos
Autre mesure phare : la rénovation ou la plantation de nouveaux vergers qui soient adaptés aux enjeux territoriaux et au changement climatique. Les variétés les plus appropriées bénéficieront d’une bonification incitative dans le cadre d’un appel à projets. Les demandes d’aides adossées à des stratégies collectives de plantation par bassin de production, qui seront élaborées par les professionnels, seront priorisées.
Le ministre a aussi souligné, en filigrane de ces travaux, « la question des impasses sur les produits phytosanitaires ». Des plans d’action pour chaque usage sous tension sont prévus. Le gouvernement s’engage également à faciliter les procédures d’autorisation de mise sur le marché pour certains produits, ceux qui sont autorisés dans d’autres États membres par exemple. Des mesures de simplification sont par ailleurs prévues pour le développement d’alternatives (préparations naturelles peu préoccupantes, biostimulants, insectes stériles, techniques innovantes…).
À propos de la distorsion de concurrence sur le coût du travail, « oui il y a un sujet », a reconnu Marc Fesneau. « Nous avons essayé d’explorer un dispositif particulier pour les fruits et légumes, a-t-il souligné. Mais c’est une demande de la filière que l’on n’a pas pu satisfaire à date. » Le ministre a indiqué avoir fait une demande d’expertise pour savoir comment le dispositif TODE pourrait être mieux calibré pour les fruits et légumes. Il permet aux exploitations agricoles qui embauchent des travailleurs saisonniers de bénéficier d’une exonération des cotisations patronales.
« L’arboriculture et le maraîchage du XXIe siècle »
« Un cap clair et réaliste », « formidable pour les filières », « à la hauteur des défis »… Ce plan a été salué par le CTIFL, Interfel, l’Unilet et l’Anifelt, c’est-à-dire les interprofessions des fruits et légumes et de la pomme de terre. « Au travers de la contribution des professionnels et du ministère, on a inventé l’arboriculture et le maraîchage du XXIe siècle », a déclaré Laurent Grandin, président d’Interfel. L’interprofession des fruits et légumes estime que les mesures annoncées « témoignent d’une véritable prise de conscience du gouvernement, sans occulter les difficultés conjoncturelles réelles rencontrées par certaines productions ».
Du côté des pommes de terre, filière exportatrice, l’idée est plutôt de travailler sur la relocalisation des industries de transformation. Arnaud Delacour, président du GIPT, a souligné avoir « besoin de constance dans la stratégie de l’état », saluant que le plan « va dans ce sens ». Il demande aussi de la constance dans les moyens financiers, et de la stabilité dans l’évolution de la réglementation. « Si on veut avoir des industriels en France, il faudra leur garantir l’approvisionnement en matière première. »
Dans un communiqué paru le 1er mars 2023, la Confédération paysanne a pour sa part estimé que « ce plan manque complètement sa cible » et est basé sur « de vieilles recettes qui ont fait preuve de leur inefficacité ». Le syndicat juge ainsi qu’il faut « sortir de cette course à la compétitivité et s’engager sur la protection contre le libre-échange pour que la filière soit rémunératrice ». Il se positionne ainsi pour la mise en place d’un prix d’entrée minimum pour les fruits et légumes importés. « Les bases ne sont clairement pas là, ce qui laisse de gros doutes sur la réussite du plan », estime de son côté le collectif « Sauvons les fruits et légumes de France ». Il souhaite d’une part que soient maintenues, voire rétablies, les solutions phytosanitaires homologuées. D’autre part, il demande un travail plus poussé sur l’étiquetage concernant l’origine claire des produits et leurs conditions de production ».
(1) 39,6 % en fruits et 61,3 % en légumes.
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