La diversité, une richesse à sauver La diversité, une richesse à sauver
Gérard-François Dumont, géographe, veut revoir les récentes lois qui étouffent l’expression des territoires.
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«Selon notre pensée française jacobine qui date de deux siècles, tout ce qui est grand est magnifique. » Gérard-François Dumont, professeur à la Sorbonne et directeur de la revue « Population & avenir », juge sévèrement les récentes réformes territoriales. Sous la férule de l’État, elles ont agrandi le périmètre des régions, obligé à la création d’intercommunalités XXL et contraint à une répartition uniforme et centralisée des compétences.
La qualité des élus
« La taille n’est pas une vertu, même économique. C’est la qualité des élus et des acteurs locaux qui compte », martèle-t-il. Selon lui, les lois récentes vont dans le sens de la réduction des compétences accordées aux élus de proximité, au profit de ces grandes intercommunalités, des métropoles, de la région ou de l’État. « Les nouvelles organisations dévorent le temps des élus locaux et rognent celui consacré aux projets. Elles risquent d’accroître le pouvoir de la technostructure. » Dire qu’il n’apprécie guère cette recentralisation déguisée où l’urbain écrase le rural est un euphémisme. « En Suède, où l’on a mené une réorganisation à marche forcée il y a quelques années, il a fallu revenir en arrière. »
Cet autoritarisme d’État dans l’organisation des territoires présente pour lui un danger majeur pour le dynamisme local : « Les citoyens s’engagent bénévolement dans les projets locaux parce qu’ils aiment leur territoire. Cet attachement, cet affectio societatis, est capital. Car il n’y a pas d’innovations sans implication de bénévoles. » Or, si cela devient trop compliqué, s’il faut l’aval d’élus éloignés de la réalité de la petite région où se monte le projet, les citoyens ne s’investiront plus. Ou moins. Autre crainte, « l’augmentation du taux d’abstention dans les communes périphériques, à l’image de la Suède. »
La géographie ignorée
La logique centralisatrice est mal venue car elle étoufferait les initiatives et rigidifierait les territoires français. « C’est la fin des anciens syndicats à la carte créés selon les besoins et au périmètre souple. » Cette logique ignore aussi la géographie. « C’est particulièrement visible sur l’eau : le nombre de nouvelles intercommunalités ne correspond pas aux bassins versants. Les décideurs ont oublié la géographie. Or, le fait territorial est géographique et historique. Pas comptable. » Le professeur poursuit : « Avec les lois actuelles, René Monory ne pourrait plus créer le Futuroscope, dont le parc a été inauguré en 1987 dans des champs de maïs au-dessus de Poitiers. N’oublions pas que la plupart des projets de territoires, que l’on glorifie à juste titre aujourd’hui, étaient vus à l’époque comme des utopies. »
Gérard-François Dumont met en garde : « Dans le contexte actuel de globalisation, les flux économiques et sociaux ignorent ces questions de territoires centraux ou périphériques. C’est désormais le réticulaire (relations en toile d’araignée) qui domine. » Paris est parfois un centre, parfois une périphérie face à Bruxelles ou aux sièges sociaux de grandes entreprises situés à l’autre bout du monde. Un territoire rural peut être à un moment de l’année un centre, comme Carhaix en juillet, lors du festival des Vieilles Charrues (lire ci-dessus).
Privilégier la proximité
Pour laisser les territoires choisir leur organisation, il faudra assouplir la loi NOTRe de 2015. Gérard-François Dumont veut revaloriser le principe de subsidiarité, essentiel au bon exercice de la citoyenneté : « Tout ce qui peut se faire en proximité doit être fait en proximité. » Mettre les intercommunalités au service des communes. Mutualiser uniquement lorsque c’est plus efficace. Cela ne dispensera pas d’un accompagnement administratif des territoires. Mais il se fera à la demande et « dans un travail de dentelle », les territoires n’étant pas interchangeables. Le géographe conclut, optimiste, à contre-courant de la volonté de l’État de tout rationaliser : « La France est riche de la diversité de ses territoires ! »
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