Dans ses champs de la Marne, Benoît Piétrement a « à peine commencé à faucher un peu de colza » et s’apprête à « attaquer sur les blés ». « Je suis plutôt optimiste », déclare le président d’Intercéréales, l’interprofession des céréales françaises qui réunit tous les acteurs économiques de la filière, de la production à la commercialisation en passant par la première transformation.
Les premiers échos de la moisson d’orge sont « encourageants » pour celle du blé qui lui succède. Les prévisions oscillent entre 31 et 33 millions de tonnes, selon les maisons de courtage, dans la moyenne des dernières années. « Cela va permettre à tout le monde de souffler un peu après l’année terrible » de 2024, la pire récolte en 40 ans avec 25,8 millions de tonnes, relève Benoît Piétrement.
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« Quelques bémols »
Pour les coopératives et organismes stockeurs, qui ont eu des surcoûts de tri et nettoyage des grains l’an dernier, « les volumes attendus cette année vont permettre d’écraser un peu les charges ». Mais Benoît Piétrement avance aussi « quelques bémols », dit son inquiétude « pour les semis tardifs qui ont pris un coup de chaud avec la canicule ».
Surtout, le président de l’interprofession rappelle que la filière est « sur les genoux ». Plusieurs raisons sont avancées : des prix en berne sur le marché, des charges en hausse, des conditions climatiques changeantes et des solutions d’adaptation plus lentes à venir que les défis à affronter.
Sur le marché européen, les cours peinent à se maintenir à 200 €/t, face à la concurrence de la mer Noire et sous la pression d’une abondante récolte mondiale. Face à des prix aujourd’hui « largement sous les coûts de production », les céréaliers « ne sont pas pressés de vendre » : « on a un vrai problème de rentabilité des cultures », souligne Gautier Le Molgat, P.-D.G. d’Argus Media France.
Des engrais plus chers et l’ergot de seigle de retour
Après l’effondrement des rendements en 2024, 2025 a aussi vu les prix des engrais remonter, d’environ 30 % depuis un an selon l’interprofession. Celle-ci redoute une nouvelle flambée du cours des fertilisants après la décision européenne de taxer les engrais russes, qui représentent aujourd’hui un quart des importations européennes.
« Avec un blé à 200 euros la tonne, on s’en sortait mieux il y a cinq ou six ans parce qu’on n’avait pas des charges aussi élevées », explique Benoît Piétrement. Il est soulagé de pouvoir « utiliser encore jusqu’à fin 2026 » le flufénacet, un herbicide reconnu comme un perturbateur endocrinien qui sera retiré du marché européen en décembre 2025.
« C’est important pour faire face à l’ergot de seigle, un puissant neurotoxique » émanant d’un champignon, « qui avait quasiment disparu depuis 50 ans et qu’on voit maintenant régulièrement dans les parcelles de blé », poursuit-il. Ce champignon, comme d’autres ravageurs du blé, est favorisé par le changement climatique, notamment par les périodes d’humidité alliées à de la douceur.
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Demain, les aides aux agriculteurs « devront vraiment se focaliser sur la recherche et l’adaptation », estime le président d’Intercéréales. La filière attend aussi du gouvernement un « travail diplomatique » pour vendre le blé français, dans une période difficile où un client historique comme l’Algérie a tourné le dos au marché hexagonal, mais où de « nouvelles opportunités » peuvent s’ouvrir en Arabie saoudite ou en Chine.