Le marché du blé reprend quelques timides couleurs. Le blé rendu Rouen gagne ainsi 5 €/t depuis une semaine, à 198 €/t en base juillet. Derrière ce troisième rebond des cours depuis deux mois, se cachent de nombreux éléments conjoncturels.
La détente de l’euro par rapport au dollar à 1,1680 contre un pic à 1,1830 au 1er juillet participe au soutien observé sur les cours. Malgré une avancée rapide de la moisson en France avec 36 % des surfaces de blé récoltées selon FranceAgriMer contre 20 % en moyenne à cette date, la pression récolte est très limitée. Les producteurs sont très peu vendeurs en France compte tenu du manque de rentabilité de ce produit.
La rétention à la vente est également à l’ordre du jour sur le bassin de la mer Noire. S’y ajoutent de premiers échos de rendements décevants sur l’est de l’Ukraine et le sud de la Russie tandis que la moisson affiche plusieurs semaines de retard en Russie. Les exportateurs de blé mer Noire peinent donc à trouver la marchandise vendue d’avance à l’exportation sur juillet. Cela entraîne une hausse du blé Fob Russie à 232 $/t Fob selon Argus Media, au plus haut depuis le 15 mai dernier et le début des cotations de la « nouvelle campagne ».
Les rumeurs vont ainsi bon train quant à la possibilité de voir les négociants internationaux venir charger en France quelques bateaux en juillet, en remplacement de la mer Noire insuffisamment disponible. Ce léger mouvement de hausse est relayé, voire amplifié sur les contrats à terme d’Euronext et de Chicago à travers les rachats de positions des fonds. Ces derniers détiennent en effet toujours une forte position vendeuse de part et d’autre de l’Atlantique.
Enfin, les inquiétudes climatiques sur la production européenne de maïs de la récolte de 2025 soutiennent ce produit et favorisent la demande estivale de blé à destination de l’alimentation du bétail en Europe.
Forte demande portuaire en orge fourragère, déprime en brassicole
La récolte d’orge d’hiver se termine en France avec 94 % de réalisations selon FranceAgriMer, contre 72 % en moyenne à cette date. Elle s’illustre par une excellente qualité et de très hauts niveaux de rendements proches des records historiques. Pour autant, les cours de l’orge fourragère progressent depuis une semaine de 10 €/t, à 191 €/t base juillet rendu Rouen. Outre le soutien offert par le rebond des cours du blé tendre, l’orge fourragère bénéficie de sa propre tension.
Du côté de l'offre, si la récolte est là, les producteurs restent en retrait de la vente pour cause de prix jugés insuffisants. Du côté de la demande, de nombreux bateaux sont à charger pour la Chine sur ce mois de juillet et les disponibilités portuaires sont insuffisantes. La prime de l’orge fourragère en rendu Rouen se redresse donc pour passer de –17 €/t le 1er juillet à –8 €/t aujourd’hui. D’autres destinations que la Chine pourraient elles aussi venir solliciter les orges françaises en remplacement de volumes initialement promis aux orges de la zone de la mer Noire. En effet, ce même phénomène de rétention à la vente des producteurs et de forte sollicitation des chargements pour la Chine est observé en Ukraine.
L’appréciation des cours de l’orge fourragère apporte un léger soutien à l’orge brassicole d’hiver qui reprend 4 €/t sur la semaine, à 197 €/t base juillet Fob Creil en variété Faro. Le contexte n’en demeure pas moins lourd sur le marché brassicole comme en témoigne l’orge de printemps de type Planet qui perd encore 4 €/t cette semaine, à 217 €/t base juillet Fob Creil. L’écart de prix entre brasserie de printemps et fourragère en Fob Creil est passé de 44 €/t à 21 €/t seulement sur les dix derniers jours.
Stabilisation du marché colza sous la pression récolte
Le marché du colza est très hésitant sur les niveaux de prix actuels. Derrière une timide progression de +1 €/t, à 463 €/t du prix de référence Fob Moselle pour la graine de colza se cache de fortes amplitudes quotidiennes. À la différence des céréales, ce produit davantage rémunérateur est vendu par les producteurs français et européens, ce qui pèse sur les cours depuis deux semaines. Les fonds profitent également de la récolte, jugée comme très bonne en Europe, pour liquider leurs positions à l’achat sur le contrat à terme d’Euronext.
Quelques soutiens persistent néanmoins du côté macroéconomique avec une détente de l’euro par rapport au dollar en cette fin de semaine et avec la persistance d’une certaine fermeté sur le baril de pétrole. Ce dernier se maintient à plus de 66 $ le baril à New York alors même que l’Opep a annoncé le week-end dernier de nouvelles et fortes hausses de production pour le mois d’août. Le colza peut également compter sur un net raffermissement des cours de l’huile et de la graine de tournesol, en lien direct avec la dégradation de cette culture pour cause de temps trop sec partout sur le sud de l’Europe.
En Asie, l’huile de palme poursuit sa remontée avec encore un gain de 2,3 % au cours de la semaine sur le marché à terme de Kuala Lumpur. Cette fermeté provient de la présence récurrente de l’Inde aux achats. Et cela malgré une hausse du stock de palme malaisien en juin légèrement supérieure aux attentes à 2,03 millions de tonnes dans le dernier rapport de l’Office malaisien de l’huile de palme (MPOB).
Contexte toujours très lourd en soja
Malgré quelques tentatives de rebond, les cours du tourteau de soja demeurent sous pression baissière. Ils sont inchangés sur la semaine à 302 €/t délivré Montoir. Le seuil des 300 €/t n’a donc pas encore été franchi à la baisse. Il faut dire que les cours sont d’ores et déjà très bas car depuis quatorze ans, le marché ne s’est aventuré sous les 300 €/t sur le rapproché en délivré Montoir qu’à de très rares et courtes occasions.
La situation fondamentale reste lourde sur ce produit. Alors que la récolte se termine au Brésil, la compagnie nationale d’approvisionnement (Conab) a légèrement atténué ce jeudi à la baisse de 0,12 million de tonnes son estimation officielle de production, à 169,49 millions de tonnes, contre 169 millions de tonnes estimé pour l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture. Cela reste un record historique.
Aux États-Unis, la météo demeure très favorable au développement des cultures avec des pluies régulières sur la Corn Belt. L’état du soja américain affiché par l’USDA au 6 juillet est « bon à excellent » à 66 % et stable sur la semaine. Cela est certes 2 points de moins que l’année dernière mais c’est surtout largement au-dessus de la moyenne quinquennale de 62 % de « bons à excellents » à la même date, ce qui rassure les opérateurs.
Le maintien d’une grande fermeté de l’huile de soja aux États-Unis sur fond de forte hausse attendue de la demande de biodiesel, permet d’amplifier la détente des cours des tourteaux de soja sur le marché de Chicago, désormais au plus bas depuis dix ans.
(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire. (2) À suivre : rétention à la vente des producteurs en céréales ; négociations tarifaires avec les États-Unis ; évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar ; conditions climatiques en Europe pour le maïs ; compétitivité du blé français ; développement des cultures de printemps en Amérique du Nord ; rythme d’avancée de la moisson en Russie.