Taxes sur les engrais russes : impact limité sur les agriculteurs, selon l’Unifa
L’Union des industries de la fertilisation estime que les producteurs d’engrais européens sont en capacité d’augmenter leur production grâce à la mise en place des taxes sur les importations d’engrais azotés russes. Celles-ci devraient faire chuter les achats européens de cette origine et lever ainsi la concurrence russe, que l’organisation juge déloyale.
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À l’occasion de son assemblée générale organisée à Paris le 18 juin 2025, l’Unifa, l’union des industries de la fertilisation, a réaffirmé sa position sur la taxation des engrais russes et biélorusses décidée par l’Union européenne pour réduire notre dépendance à ces origines. Elle assure que les producteurs du Vieux Continent seront en capacité de rehausser leurs niveaux de production pour remplacer, au moins partiellement, les volumes russes devenus trop coûteux.
« Selon notre association européenne Fertilizers Europe, 10 à 20 % des capacités de production de nos sites européens sont aujourd’hui à l’arrêt », a souligné Delphine Guey, présidente sortante de l’Unifa. Les importations massives d’engrais russes à bas prix ont généré « une distorsion économique qui [a] contraint les industriels français à réduire leur activité, à restructurer leurs sites » avait déjà expliqué l’Unifa en janvier. Ainsi ce potentiel de production pourrait-il être « très rapidement » remobilisé, a-t-elle assuré. Et de préciser que les entreprises implantées en France fournissent « déjà 45 % des besoins tricolores. En prenant en compte les pays limitrophes, nous en fournissons les deux tiers. »
Plus de dépendance au gaz russe
D’autant plus que les usines européennes ne dépendent plus du gaz russe pour produire leurs engrais azotés : « L’Europe a fait le choix, rapidement après le début de la guerre [en Ukraine], de réorienter ses approvisionnements de gaz naturel. La France n’était [d’ailleurs] pas la plus [concernée] par ces approvisionnements russes, a rappelé Renaud Bernardi, vice-président de l’Unifa. Aujourd’hui, l’Europe importe par exemple du gaz norvégien et pour la France, des navires de GNL [gaz naturel liquéfié] arrivent d’un peu partout dans le monde. »
Pas d’inquiétude particulière pour les producteurs d’engrais donc, à l’annonce le 17 juin d’une proposition de la Commission européenne d’éliminer progressivement les importations de gaz et de pétrole russes dans l’Union européenne.
Pour Arthur Portier, consultant chez Argus Media invité à l’évènement, « le petit point positif c’est que l’application des taxes va être progressive, ce qui offre un laps de temps pour essayer de trouver d’autres solutions. […] Les échanges d’engrais au niveau mondial ont d’ailleurs de tout temps été influencés par des barrières commerciales. La filière y est donc relativement habituée, en tout cas beaucoup plus que d’autres matières premières. » Il n’en reste pas moins que l’équilibre est aujourd’hui bousculé par ces taxes russes et par les taxes prévues par le MACF (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ou CBAM en anglais (1)), a-t-il constaté.
Désaccord sur l’impact financier pour les agriculteurs
Dès l’annonce de la Commission européenne sur son intention de taxer les engrais russes, les agriculteurs se sont largement inquiétés de l’impact de cette décision sur le prix des engrais azotés. Ils parlaient en février d’une hausse de 40 à 45 €/t. « Ce chiffre correspond au niveau de taxe qui sera appliqué sur les fertilisants russes importés à partir du 1er juillet. Mais il ne s’appliquera que sur les 20 % » des importations européennes qui proviennent de la Russie, a contredit Renaud Bernardi. L’Unifa parle d’une hausse bien plus modérée, entre 5 et 10 $/t le temps que le marché se réorganise, selon une enquête qu’elle a commanditée à Argus.
Soutien de la Commission réassuré mais peu détaillé
De son côté, Brigitte Misonne, directrice des marchés agricoles faisant fonction à la Commission européenne, a réassuré la volonté « affirmée haut et clair » par l’exécutif européen de protéger ses agriculteurs. Dans le cas où le prix des engrais augmenteraient « de manière incontrôlée », un système de sauvegarde a été prévu. « Un suivi très rapproché va donc se faire via l’observatoire européen du marché des engrais », a-t-elle rappelé sans donner plus de détails.
En cas d’inflation, la Commission pourrait par exemple suspendre les taxes douanières sur les engrais en provenance d’autres régions. Pourquoi ne pas mettre en place cette mesure immédiatement ? « La réalité c’est qu’on est dans une négociation avec les États-Unis et qu’il faut parfois pouvoir garder ses cartes un peu cachées pour obtenir ce que l’on veut à la fin », a répondu Brigitte Misonne.
Quant aux taxes des engrais russes et biélorusses qui continueront d’être importés, elles seront, tout comme celles du MACF, réinjectées dans « l’industrie propre », a-t-elle évoqué. « On a un certain nombre de mesures qui ont besoin de financements dans notre stratégie pour l’industrie propre [fraîchement] émise. »
(1) Le MACF, adopté en 2023, vise à mettre en place des taxes pour certains produits importés par l’Union européenne, dont les engrais, en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
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