« La baisse de consommation de viande fait des ravages sur la santé de nos jeunes »

Depuis trente-quatre ans que j’exerce, je reçois au moins une fois par semaine un jeune carencé en fer, avec des conséquences graves sur sa santé. L’anémie peut se traduire par une fatigue, des difficultés scolaires, une diminution de l’activité physique, une susceptibilité accrue aux infections, des troubles anxieux…

En Europe, près d’un enfant sur cinq et un tiers des adolescents (surtout les filles en raison de leurs cycles) sont carencés en fer. Une étude de 2023 aux États-Unis montre même que 45 % des adolescentes et jeunes femmes de 12 à 21 ans sont carencées. Ces ravages sont le résultat de la baisse de la consommation de viande.

La corrélation entre consommation excessive de produits carnés et cancer du côlon, suggérée par certains travaux, a été le premier argument pour justifier cette restriction. Une telle corrélation n’existe pas chez l’enfant et l’adolescent, et est contestable chez l’adulte.

L’autre argument, plus récent mais plus influent chez l’adolescent, est le rôle présumé de la consommation carnée dans le réchauffement climatique. La balance bénéfices/risques penche très clairement en faveur des bénéfices. La consommation suffisante de produits carnés prévient indiscutablement la carence en fer, comme le constatent les médecins de terrain dont je fais partie.

La minéralisation osseuse, c’est-à-dire l’accumulation de calcium dans le squelette, s’effectue au cours des vingt premières années de la vie. Un dépôt insuffisant de calcium dans les os durant l’enfance et l’adolescence augmente le risque de fracture osseuse pour tout le restant de l’existence. La carence en acide docosahexaénpïque (DHA, acide gras poly-insaturé oméga-3) est également souvent méconnue. Cet acide gras, présent uniquement dans le poisson, est pourtant indispensable au développement et au fonctionnement cérébral.

La Société française de pédiatrie, dont je suis le vice-président, recommande, pour prévenir la carence en fer, la consommation de deux produits carnés par jour, ce qui implique un plat carné quotidien dans les cantines scolaires. Ces produits représentent la seule source de fer correctement assimilable, car le fer des végétaux est sept ou huit fois moins bien absorbé que celui de la viande.

Ainsi, pour absorber 1 mg de fer, il faudrait ingérer 180 g de produits carnés ou 1,4 kg d’épinards, ou encore 1,8 kg de légumineuses (lentilles, haricots, pois chiches, etc.). Dans la mesure où les besoins en fer absorbé sont de 1 à 2,4 mg par jour chez l’enfant et l’adolescent, on comprend pourquoi seuls les produits carnés permettent raisonnablement de les couvrir.

Pour les apports en calcium, nous recommandons trois ou quatre produits laitiers par jour. Il est important d’habituer très tôt les enfants à boire un bol de lait le matin et à finir leurs repas par un produit laitier. Il est à noter qu’une même portion de fromage à pâte dure contient beaucoup plus de calcium qu’une pâte molle : 185 mg de Ca contre 105 mg pour 20 g de fromage.

L’ingestion d’environ 2 litres par jour d’eaux minérales riches en calcium est une alternative possible, mais leur goût particulier est souvent un obstacle chez l’adolescent. Pour les apports en oméga 3, il est conseillé de manger du poisson une à deux fois par semaine. Les poissons gras (maquereau, saumon, sardine, hareng, truite) sont particulièrement riches en DHA.