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« Les subventions européennes ne nous intéressent pas » en Ukraine

Comme beaucoup d'agriculteurs ukrainiens, Serhiy Rybalko a subi financièrement les problèmes logistiques liés au conflit avec la Russie.

Avec désormais 2 800 hectares coincés sur un territoire occupé par la Russie, Serhiy Rybalko, céréalier et producteur de pommes de terre en Ukraine, a vécu une nouvelle année agricole dictée par le tempo de la guerre.

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À quoi ressemblait votre exploitation avant la guerre ?

« C’est une exploitation familiale. Nous travaillions sur deux sites avec un total de 5 600 hectares de céréales, colza, tournesol, mais aussi des pommes de terre que nous vendons à PepsiCo ou Lay’s pour faire des chips. Mais notre exploitation dans l’oblast de Kharkiv de 2 800 hectares est maintenant en territoire occupé, y compris un stockage de 15 000 tonnes que nous venions de construire. Nous ne travaillons plus que sur notre deuxième site dans l’oblast de Zhytomyr au nord. »

Comment pourriez-vous résumer cette année sur le volet de la production ?

« Il est difficile de dissocier cette question de la guerre. Pour la pomme de terre qui est une production à forte valeur ajoutée pour nous, il a fallu nous passer de beaucoup de nos meilleurs équipements restés derrière la ligne de front, et travailler avec du moins bon matériel sur l’autre site. Ça a directement influencé notre production et nous avons dû bouleverser notre assolement. Pour le reste, c’est une année plutôt normale avec des rendements moyens en céréales et oléagineux. Là où nous avons un problème, c’est sur le prix. »

C’est-à-dire ?

« En blé par exemple, ces dernières années nous étions autour des 200 $ à 230 $/t départ ferme mais cette année, c’était plutôt 120 $/t en moyenne. C’est très, très bas pour nous. Pour le colza ou le tournesol, quand nous ferons les derniers comptes, ça n’aura pas été rentable cette année, j’en suis convaincu. »

A-t-il été difficile de commercialiser vos céréales, vu les nombreux problèmes logistiques aux ports et aux frontières ?

« Des acheteurs, on en a toujours trouvé. Mais une bonne partie du prix a été avalée par la logistique. Nous avons perdu de l’argent à cause de ces difficultés de livraison. Donc, nous regardons les nouvelles tout le temps pour connaître la situation sur le port en eaux profondes d’Odessa ou sur le “corridor de solidarité”. »

« Il faut comprendre que le coût n’est pas le même. Prenez un transport de céréales entre le port d’Izmaïl (situé à la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie, NDLR) jusqu’à celui de Constanza, c’est un coût de 30-35 $/t pour à peine 200 kilomètres, alors que pour faire plus de 2 500 kilomètres entre le port d’Odessa et l’Espagne par exemple, ce n’est que 40-45 $/t ! »

Que vous inspirent la possible adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et l’inquiétude que cela suscite chez certains agriculteurs en Europe ?

« Ils sont inquiets car ils pensent que l’Union européenne (UE) devra verser d’importantes subventions à l’hectare ou aux nombreux agriculteurs, sachant que l’Ukraine est un grand pays agricole. Mais il faut savoir que les subventions ne nous intéressent pas. Les agriculteurs ukrainiens se battent pour investir et se développer. »

« Nous ne voulons pas entrer en compétition avec les autres pays de l’Union européenne. Ce que nous aimerions, c’est bâtir un système profitable pour tous les membres et qui pourrait fonctionner pour alimenter les marchés extérieurs, notamment les marchés émergents. »

Mais l’Union européenne, c'est aussi beaucoup de règles et de législations, notamment environnementales. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?

« Pas du tout non. D’autant plus que nous avons déjà beaucoup d’accords commerciaux avec l’Europe qui nous obligent à respecter certaines règles sanitaires ou de sécurité. La plupart sont juste logiques. Il y aurait certainement des changements à faire mais ça ne devrait pas poser de problème. »

En Ukraine, un oblast est une subdivision administrative.

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